MUNICIPALES 2020PROTESTATION ÉLECTORALE

Lille: ce qu’il faut retenir des trois requêtes déposées contre la réélection de Martine Aubry

« La Voix » s’est procuré les requêtes déposées contre l’élection de Martine Aubry (PS) le 28 juin, par la liste Baly, la liste Spillebout et un particulier. Morceaux choisis de trois protestations électorales qui comptent sur le faible écart de voix (227) pour faire annuler le scrutin.

Parmi les requêtes déposées contre la victoire de Martine Aubry, des différences flagrantes d’émargement entre les 1 er et 2 e tours. PHOTO PASCAL BONNIÈRE – VDNPQR

L’embauche de Licia Boudersa

Figure des Bois Blancs, la triple championne du monde de boxe a-t-elle reçu du travail à la mairie en contrepartie de son soutien à Martine Aubry ? C’est la thèse de la liste Spillebout. Un temps approchée par la liste LREM, sur laquelle figurait l’un de ses sponsors, Licia Boudersa a finalement pris fait et cause pour Mme Aubry, apparaissant dans les premières places du comité de soutien de la sortante, le 4 mars, ou signant « l’appel aux quartiers » à voter Aubry, dans les derniers jours de juin. Or, à la même époque, Licia Boudersa est recrutée par la ville, comme éducatrice sportive. Sa prise de poste est fixée au 16 mars 2020, le lendemain du premier tour de l’élection. Les avocats de Mme Spillebout y voient « une embauche destinée à s’assurer du soutien d’un relais d’opinion  ». Dans des échanges (privés) versés au dossier, la championne écrit : « Moi je m’en fous complètement de la politique (…). J’ai toujours dit que je serais avec la personne qui me trouvera du travail. »

Le courrier de Meriem Amouri

Meriem Amouri n’est ni une nouvelle venue, ni une inconnue dans la sphère publique lilloise. Militante de la campagne Aubry 2020, elle était sur la liste (en 39e position) de la sortante en 2014. En 2016, elle est assise à côté de l’ex-ministre quand cette dernière lance son think tank lillois « Renaissance ». Mais c’est en tant que présidente de l’ALFPH que Meriem Amouri fait scandale dans les derniers jours de campagne. Usant du carnet d’adresses de l’association, dont le principal financeur est la mairie, elle écrit le 22 juin à plus de 270 personnes ou structures en relation avec l’ALFPH pour les appeler à voter Aubry. Un appel très pressant : « Sans réponse de votre part, je considère que vous souhaitez vous inscrire [en soutien à] Martine Aubry ». Devant le retour de flamme, Meriem Amouri plaidera l’erreur de saisie et dira avoir agi de sa seule initiative. L’équipe Spillebout met cette « irrégularité d’une rare gravité  » au débit de « l’équipe de campagne de Mme Aubry  », l’équipe Baly s’élève contre « une pression exercée par une association subventionnée  ». « L’affaire du mail » se retrouve dans chacune des trois requêtes.

Mme le maire ou Mme la candidate ?

« Manœuvre déloyale  », pour le camp Baly, « confusion des genres  » pour le camp Spillebout : à leurs yeux, Martine Aubry aurait mélangé ses casquettes de maire et de candidate, au mépris du code électoral, qui stipule qu’à compter du 1er septembre 2019, les moyens de la commune ne peuvent servir à la propagande d’un candidat. Les requérants jugent plusieurs des annonces de Mme Aubry hors des clous : gratuité ciblée dans les transports le 5 septembre, création de nouveaux espaces verts le 16 septembre, plantation de 2 000 arbres le 21 octobre. Autant d’engagements pris en tant que maire.

La communication sur la crise sanitaire, qui a culminé durant le très long entre-deux tours, est également critiquée. Sont par exemple épinglés un tract du 22 juin envoyé aux associations, où Aubry candidate souligne le récent déblocage d’un fonds d’urgence par Aubry maire, ou un tract électoral de quatre pages distribué sur les marchés et vantant la gestion municipale pendant le confinement. L’avocate de la liste EELV y voit l’« utilisation abusive d’une gestion de crise (…) pour faire campagne ».

L’été des poignets foulés

Un registre de signatures du 28 juin différent de celui du 15 mars ? : « C’est parfaitement entendable », note Dominique Plancke, le porte-parole de la liste Lille Verte 2020 durant la campagne. D’autres villes françaises ont fait comme Lille. En trois mois, il y a forcément eu des décès et des Lillois ont atteint leur majorité. Avec l’application de l’hirondelle se construisant un nid avec sa propre salive, l’écolo s’est mouillé le doigt pour tourner des centaines de pages d’émargement à la préfecture. Résultat ? Sur un échantillon de treize bureaux (sur 127), « pour les mêmes personnes, on a trouvé des signatures extrêmement différentes d’un registre à l’autre ». Un gribouillis en mars, puis un nom quasiment caligraphié en juin. Les Verts émettent des réserves sur au moins 82 signatures. Une grande partie sur Lomme : « Bizarrement, la commune où on a perdu. » Un chiffre qui peut paraître énorme pour le commun des électeurs mais qui, selon nos informations, n’effraie pas forcément la justice. On peut par exemple justifier d’un poignet foulé pour expliquer deux signatures différentes à trois mois d’intervalle.

Sébastien Berges pour La Voix du Nord du 26/08/2020