Quelques semaines après la sortie du dernier numéro de la Voix du Parlement, je suis ravie de vous transmettre ma tribune sur ma mission flash sur l’éducation critique aux médias.
C’est l’un des plus grands défis auxquels notre société fait face, l’éducation réussie de nos jeunes et nos familles à des pratiques numériques de l’information saines et la préservation de la qualité de notre vie démocratique.
Tribune
La Voix du Parlement
Nous vivons dans un monde où les médias sont omniprésents. Avant les années 1980, les médias se résumaient aux moyens traditionnels d’information. La révolution numérique a tout changé, pour le meilleur et pour le pire. Le développement des médias de masse, la disponibilité des outils numériques, la présence quotidienne et de plus en plus précoce des enfants et adolescents au sein des univers numériques suscitent des problématiques nouvelles d’importance majeure.
Je suis alertée par des amis, de la famille, des habitants, qui s’alarment de ces évolutions, et qui surtout, en tant que parents, se sentent impuissants et démunis. Les fractures familiales, générationnelles et sociales se creusent autour de l’enjeu de l’information, des débats sur les sujets sociétaux comme politiques.
Je pense que nous sommes devant une vraie révolution des usages, de la pensée, de l’éducation, dont une partie est en train de nous échapper. Certes, ces évolutions sont porteuses de multiples opportunités pour le partage des connaissances, le lien social, l’accès aux données scientifiques. Mais elles sont également porteuses de risques qui menacent notre société toute entière, et en premier lieu nos enfants, à une étape décisive de leur socialisation adolescente. Très souvent, le numérique est pour eux un lieu d’expérimentations et d’initiations. Pourtant, nous savons que de nombreuses plateformes adoptent des comportements prédateurs afin d’exploiter leurs vulnérabilités émotionnelles. Le numérique est un lieu qui expose nos jeunes, le lieu parfois d’une fragilisation affective, une source d’anxiété.
Aussi, les plateformes et les réseaux sociaux bouleversent notre rapport à l’information, dont les modes de production, de diffusion et de consommation se sont profondément transformés. Aujourd’hui, 71% des 15-34 ans consultent quotidiennement l’actualité sur les réseaux sociaux, ce qui en fait pour cette génération le premier mode d’accès à l’information. Sur ces réseaux, l’absence de médiatisation journalistique de l’information, la présence de fake news, l’anonymat ou encore la favorisation par les algorithmes des contenus émotionnels sont selon moi autant d’obstacles à la conduite d’un débat public apaisé et d’atteintes aux valeurs essentielles de la démocratie.
C’est pourquoi, en tant que Parlementaire, engagée sur l’égalité des chances, l’émancipation et la culture, je veux prendre ma part au travail de réflexion en cours au sein des futurs Etats Généraux de l’Information, annoncés par le Président de la République en début d’année. Ensemble, au niveau local, comme national, nous devons agir pour qu’Internet devienne un espace sécurisé dont nos concitoyens puissent faire un usage véritablement éclairé et éthique. Pour protéger nos enfants et nos familles, l’Éducation critique aux médias joue un rôle incontournable. Je souhaite que nous puissions faire de l’utilisation des outils numériques d’information une véritable pratique citoyenne, développer l’esprit critique, et contribuer à l’éducation civique des citoyens. Elle doit permettre la transmission des bonnes pratiques et sensibiliser aux risques. Loin de porter un regard uniquement pessimiste sur les nouvelles technologies du numérique, elle doit permettre d’en déployer tous les possibles par la mise en capacité et la responsabilisation de tous, et en particulier de nos jeunes.
Il est à mon sens fondamental de mettre l’Éducation aux médias au cœur du projet pédagogique de l’école, la faisant se déployer concrètement à chaque étape de la scolarité des élèves. Des programmes d’action existent, mais sont encore trop peu évalués en termes d’impact et d’efficacité. Les contenus pédagogiques selon les âges, les enseignants, les intervenants, sont très variés et nous n’avons pas une vision systémique et harmonieuse des pratiques EMi en France.
Je suis convaincue que nous devons non seulement permettre aux enseignants de jouer pleinement leur rôle de médiateurs, mais aussi rendre acteurs les autres métiers en relation avec les familles : documentalistes des établissements scolaires, journalistes, membres d’associations de presse, animateurs socio-culturels dans les structures de proximité…
Trop souvent, ils se sentent démunis face à la désinformation, à la propagande, à la radicalisation par le numérique. Il leur est difficile, voire parfois impossible d’avoir quelque prise sur l’utilisation que les enfants font des réseaux sociaux et d’internet.
C’est pourquoi il me paraît fondamental que l’accompagnement des jeunes se fasse en co-construction avec les familles et que cet accompagnement prenne en compte la tension entre l’autonomie de l’enfant et sa sécurité. Ce travail ne peut se faire que dans la durée, tout au long du parcours éducatif, et dans l’espace, avec un renfort des actions sur les territoires ruraux, isolés, et les quartiers Politique de la Ville.
Je pense aussi que nous avons devant nous une formidable opportunité d’initier une nouvelle politique publique de l’Éducation Critique aux médias : la généralisation du stage de cohésion du nouveau Service National Universel. Proposer à chaque jeune en classe de seconde, un séjour citoyen, organisé par le Ministère des Armées, et incluant un socle de connaissances EMI me semble une impérieuse nécessité.
Enfin, il me semble que nous devons réfléchir aux contenus pédagogiques harmonisés et validés par les professionnels des médias et de l’information, et à l’agrément de ceux qui enseignent l’EMI quels que soient les lieux de diffusion des ateliers.
Récemment nommée co-rapporteure d’une mission parlementaire flash sur « L’Éducation aux médias », j’ai choisi d’être engagée pleinement dans la poursuite des efforts portés dans ce domaine lors du dernier quinquennat. Déjà, les moyens consacrés à l’EMI avaient été doublés. Nous devons maintenir le cap. De nombreux sujets d’importance majeurs seront soumis à l’étude de la mission parlementaire qui nous est confiée. Le décryptage des infox et la maîtrise de l’orientation dans les différentes sources d’information constituerons une priorité. Ce sera également le cas de la déconstruction des théories complotistes, du développement de l’esprit critique face à la désinformation scientifique et
de la lutte contre les contenus haineux. Enfin, nous explorerons des pistes pour renforcer la compréhension du travail journalistique, du fonctionnement des médias et des écosystèmes numériques.
A travers 7 tables rondes thématiques, et un mois de visites de terrain dans le Nord et l’Oise, avec mon co-rapporteur Philippe Ballard nous ferons remonter une dizaine de propositions concrètes pour nourrir le futur grand projet des États Généraux de l’Information.
Députée de la 9ème circonscription du Nord, je suis fière de mettre mon mandat au service de ce qui constitue certainement un des plus grands défis auxquels notre société fait face, l’éducation réussie de nos jeunes et nos familles à des pratiques numériques de l’information saine et la préservation de la qualité de notre vie démocratique.