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DailyNord : Les drôles de petits secrets de « pervers pépère »

Le journaliste Jacques Trentesaux comparaissait pour « harcèlement sexuel, propos et comportements à connotation sexuelle ou sexiste ». En pleine séquence Me Too, les accusations prennent un relief particulier. Mais son accusatrice est une députée lilloise. Pendant la campagne municipale de 2020, Violette Spillebout s’estimait victime d’une forme d’acharnement sur fond de photos pornographiques inexistantes et de pseudo-moeurs licencieuses qui intéressaient son adversaire.

DailyNord avait levé un voile du sujet. Les boules puantes volent parfois très bas à l’occasion d’un scrutin (notre éditorial). Y compris sous la ceinture. Outrée

par le questionnement à tout va du journaliste fondateur de Médiacités (filiale à 4 % de Mediapart) sur de prétendues photos pornographiques la mettant en scène, la candidate cherche à en savoir plus et exprime son dégoût. En menant ses investigations entre le 13 février 2020 et la date du scutin, notre confrère aurait usé de stratagèmes pour confondre ses interlocuteurs et débusquer une vérité. Prêcher le faux pour savoir le vrai est une vieille technique professionnelle et le mensonge vertueux fait partie de la panoplie des Rouletabille 2.0 de plus en plus souvent contraints au très anglo-saxon name and shame et au buzz. Nous sommes sur le terrain de la sexualité, donc de la vie privée, à haute teneur passionnelle depuis que le mouvement Me Too s’est déployé. Ce que Violette Spillebout interprète «  Il est l’homme qui me déstabilise, qui me menace, m’attaque dans ma vie privée, sous couvert de journalisme…cela nuit à ma famille, mes enfants,… », sanglote l’élue de la 9 ème circonscription, visiblement émue. Une première plainte (nos révélations) pour chantage avait été retoquée par le parquet. Qui ne se prononcera pas ce jour.

Mais V.S ne renonce pas : « Qu’est ce qui a pu se passer…pour en arriver là et dériver vers une action si humiliante envers une femme ? « … « Il a multiplié les entretiens avec des membres de mon entourage colportant des rumeurs dégradantes ». Au cours d’une rencontre entre eux dans un café de la rue Gambetta en mars 2020, le journaliste aurait asséné : « j’ai les photos, c’est mon métier…elles me sont promises…je ne les publierai pas.. » Plus tard: un message téléphonique de J.T plus explicite : « ca va finir pas se savoir, ca se retournera contre vous.. » Ce que l’élue qualifie de menace et de comportement hostile.

Des témoignages d’interlocuteurs du journaliste sont recueillis, des propos sont rapportés : Thierry Pauchet, Marc-Philippe Daubresse, candidats sur une liste concurrente, François Kinget, Ingrid Brulant et Dei Muteba, candidats sur la liste de l’élue. Des pièces qui seront âprement discutées et décortiquées par les avocats des parties, Stéphane Dhondt pour elle, et Vincent Fillola du barreau de Paris. « Je suis un journaliste pur et entier…c’est le fait de campagne qui m’intéresse… Ca se raconte, ca s’explique…je fais mes enquêtes tous azimuts…. La vie privée ne m’intéresse pas, Je ne carbure pas à ca *» s’insurge le journaliste, tout en évoquant une possible manipulation par l’équipe de Martine Aubry, candidate sortante (NDLR : qui sera réélue de justesse), qu’il a logiquement interrogée sur d’autres sujets liés à la campagne et qu’il croise depuis longtemps. Car le torchon brûle entre V.S et la maire sortante ennemies politiques jurées.

Les rumeurs d’un Kompromat contre V.S enflammaient le landerneau comme un triste remake de l’affaire Griveaux, le candidat (du même camp que l’élue lilloise) à la mairie de Paris contraint dans la même séquence électorale de jeter l’éponge pour photos pornos – réelles celles-là – dévoilées sur les réseaux sociaux. Le président Ludovic Duprey parle d’ »épée de Damoclès » sur la tête de la candidate, de quoi démolir sa campagne lilloise. «  Je ne fais la campagne de personne », se défend J.T**. V.S ira jusqu’à enregistrer un dialogue avec le journaliste. Un piège ? on ne saura pas. L’une et l’autre maintenant leur version. Les tentatives d’apaisement échouent. Et c’est à la justice de vider la querelle. » Qu’est-ce qui peut pousser un journaliste à enquêter sur des choses qu’il ne veut pas publier ?…Il y a une certaine emprise mise en place. J.T a imposé le sujet en posant des questions sur les moeurs de V.S et en adoptant un discours sexualisé…est-ce-admissible », attaque le bâtonnier Me Stéphane Dhondt qui renchérit : «  il utilise sa carte de presse pour déstabiliser une femme ! «.

Dès 2018, quand V.S largue les amarres de la mairie socialiste et se lance en politique sous les couleurs d’Emmanuel Macron, J.T porte le fer dans la plaie, suggérant lors d’une rencontre un emploi fictif à la SNCF (NDLR : V.S était jusqu’à son élection cadre chez SNCF Voyages), « Il y a du mystère dans vos vies », dit-il à la candidate, référence à la Maison de la Photo et le long imbroglio des subventions municipales supprimées qui a abouti à sa fermeture, point de départ d’un feuilleton judiciaire et politique, débattu dans les prétoires. Visiblement, le sujet démangeait déjà l’enquêteur…Un journaliste peut-il s’intéresser à la vie privée d’un(e) élu(e) sans franchir une ligne rose ?
Vincent Fillola s’attache à démonter l’accusation «  fantaisiste » de harcèlement sexuel, invoque la procédure-bâillon et demande la relaxe pour son client jugé trop curieux par la plaignante. « C’est le procès d’une élue qui ne supporte pas la presse autrement que de façon laudative… On fait passer mon client pour un vieux pervers, c’est infamant. J’en ai ras-de-bol, c’est une procédure abusive… » Et de réclamer une amende de 10 000 euros en réparation du préjudice et 3000 euros pour frais de justice. Délibéré le 4 juillet.

  • *J.T a publié de longues pages et un entretien avec le maire de Villeneuve d’Ascq, Gérard Caudron, faussement accusé de viol par une employée (!). L’affaire fera pschitt non sans ébranler dangereusement l’édile ce qui inquiétera les autorités. DailyNord avait eu vent du dossier mais quelques coups de fil nous avaient convaincu que l’histoire ne tenait pas debout, la plaignante – B.A – ayant présenté son « affaire » à plusieurs avocats qui l’ont tous refusé, sauf un (nos informations). Récemment, il a lui-même utilisé un enregistrement audio clandestin – et très intime – qui met en cause le maire de Valenciennes dans une histoire qui relève du cornecul voire du chantage (nos révélations). En 2001, lors d’une campagne municipale lilloise, un tabloïd agressif labourait les mêmes terres interlopes et graveleuses et maniait le forceps en guise d’investigation. Moins intello, faisant fi de certains principes qui l’amèneront également devant les juges, le Grand Lille standard roulait pour un candidat droitier mais finit par cibler le casting électoral de cette année-là. Du sensationnalisme sur papier au piège à clic.

** Oui mais…Pendant cette même séquence, J.T laissera un de ses journalistes compagnon d’une future élue figurant sur la liste Aubry signer plusieurs articles sur la campagne lilloise et l’un d’entre eux sera repris par Mediapart (nos informations). Concurrente de la maire sortante, V.S requalifiera cette faute de carre déontologique en articles à charge. A quelques jours du premier tour, un autre pigiste fervent militant et candidat écologiste révèle opportunément les poursuites aujourd’hui toujours en cours du parquet national financier qui menacent le sénateur Les Républicains Marc-Philippe Daubresse (nos informations), collé de fait à 8,8% et l’empêchant de négocier avec l’une des trois listes qualifiées (la sortante, la verte et celle de V.S). Oubliant la nécessaire régle du retrait admise par la profession. » On nous l’a reproché », confesse à la barre JT. L’investigation sans concession, comme le clame le slogan du journal, mais avec orientation.

Un duel interminable. On relira nos informations qui recadrent l’affaire de la Maison de la Photo et de l’article des « vraies raisons du divorce entre Martine Aubry et Violette Spillebout », déjà jugé devant cette même chambre. Qui prononce la relaxe du journaliste (nos informations).

DailyNord du 7 juin 2023