CULTURETRAVAIL PARLEMENTAIRE

La culture doit aussi retrouver sa « boussole populaire »

Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord, à l’Assemblée nationale en novembre 2022. (NICOLAS MESSYASZ/SIPA)

Ce dimanche 27 août, nous serons un millier à Tourcoing, sur les terres de Gérald Darmanin, habitants, élus, parlementaires, ministres, pour tenter de trouver de nouvelles solutions aux attentes des classes populaires.

Sacré défi ! Face à une nation meurtrie, divisée, inquiète, qui subit les crises successives dans une sorte de chaos que, nous, les parlementaires de la majorité, n’arrivons pas suffisamment à endiguer en traçant un chemin cohérent et lisible, susceptible de redonner confiance à tous ceux qui veulent construire un avenir fort pour une France souveraine, sans laisser personne au bord du chemin. Il y a urgence agir.

Je suis convaincue que retrouver une « boussole populaire » passe aussi et avant tout par une politique culturelle accessible et démocratisée sur tout le territoire, afin de recréer un socle commun d’émancipation, de savoirs, et de partage pour « Faire Nation ». La politique culturelle sera populaire ou ne sera pas.

Nous avons une chance inouïe en France, celle d’avoir un modèle unique de financement, une palette culturelle inestimable, basée sur la vitalité des créateurs, un patrimoine exceptionnel, une richesse de débat intellectuel sans pareil, et le soutien fort de l’Etat, qui consacre une grande part de son budget à la culture. Oui, mais… La culture reste inaccessible à un trop grand nombre et reste encore trop réservée aux élites, malgré nos efforts de démocratisation culturelle : les projets « Mondes nouveaux », les « Micro-Folies », le Plan Fanfares, le Pass Culture, les appels à projets « Quartiers prioritaires »… Nous devons aller plus loin.

Je crois qu’après les gilets jaunes, la crise sanitaire, les manifestations des retraites, les violences urbaines, il est temps de renverser la table en matière de culture ! Les fameux grands débats nationaux qui devaient marquer un tournant de la démocratie locale, avaient eu le mérite de faire émerger de vraies solutions de proximité. A Lille, pour celui dédié à la Culture, nous avions été près de 200 à esquisser des solutions simples et nouvelles, pour faciliter le lien entre artistes, associations, équipements culturels, collectivités locales et Drac. Nous n’avons pas su suffisamment les mettre en œuvre.

Il est désormais vital de prendre des décisions fortes et courageuses pour retrouver une culture populaire, accessible et proche de tous les publics, là où les petites structures, les artistes, les acteurs socioculturels de nos quartiers et de nos campagnes se sentent encore trop délaissés.

Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2021 est clair et demande au ministère de la Culture d’ouvrir de véritables chantiers de réforme, que « les effets de la crise sanitaire rendent encore plus impérieux ». Les syndicats et fédérations d’acteurs culturels de tous les domaines se mobilisent, consultent et font des propositions pour challenger les politiques nationales et soutenir les plus fragilisés. Les talents et les énergies sont partout, chez de jeunes créateurs ou des artistes expérimentés, peu connus, qui font un travail de fond, durable, au plus proche des publics, trop souvent sans bénéficier d’un soutien suffisant. Le monde culturel ne peut plus demeurer un microcosme asphyxié par le réseautage, où un trop petit nombre tire son épingle du jeu.

Je sais que notre nouvelle ministre de la Culture s’attache à écouter, à analyser, à transformer nos modes de financement et de décisions et à rendre le système plus juste et équitable sur nos territoires. Tant de grands chantiers pour ce quinquennat !

Je suis convaincue qu’il est nécessaire de bousculer les équilibres, avec des choix forts et symboliques. Il faut repenser la répartition du budget culture : oser rompre avec l’histoire des financements publics français hyperconcentrés en Ile-de-France au détriment des territoires, oser contraindre les grandes institutions à réduire leur production culturelle pour des projets plus durables et écologiques, et réattribuer des budgets aux acteurs socioculturels des quartiers et des petites communes. Il faut oser rendre transparentes et raisonnables les hautes rémunérations des grandes institutions et des « personnalités » de la culture, pour mieux partager la valeur avec tout l’écosystème socioculturel. Car c’est un fait établi, notamment avec le rapport Racine en 2020 : en France, ce sont les artistes qui gagnent le moins grâce à l’art.

Notre politique culturelle doit profondément se réinventer et retrouver sa boussole populaire en faisant confiance aux associations, aux artistes et intervenants de terrain dans nos centres culturels de proximité, nos écoles d’art, nos lycées, nos bibliothèques pour tous, nos centres sociaux et nos MJC.

Nos acteurs de l’éducation populaire œuvrent chaque jour à une culture commune, partagée, durable et populaire, à l’image de celle dont rêvait André Malraux : des maisons de la Culture implantées dans les villes moyennes, lieux de rencontre, de création, de vie, chargées de donner à chacun les « clés du trésor » pour « rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre de Français ». Soutenons-les plus que jamais.

Par Violette Spillebout
députée Renaissance du Nord

Tribune publiée dans L’Obs du 26 août 2023

« Je suis convaincue que retrouver une « boussole populaire » passe aussi et avant tout par une politique culturelle accessible et démocratisée sur tout le territoire, afin de recréer un socle commun d’émancipation, de savoirs, et de partage pour « Faire Nation ». La politique culturelle sera populaire ou ne sera pas. »