Objet : Exercice du droit de réponse prévu par l’article 6 IV de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 et de son décret d’application n°2007-1527 du 24 octobre 2007, ainsi que l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881
Monsieur le Directeur de la Publication,
Je fais suite à l’article ayant pour titre “Sénateurs et députés, tous unis contre la liberté de la presse”, publié le 8 février 2024 à 15H41 sur le site internet du Point puis mis à jour le 9 février 2024 à 10H18, dont l’auteur est Nicolas Bastuck.
L’article est le suivant :
A lire ici lisible en libre accès, y compris pour les non-abonnés au Point.
J’exerce par la présente un droit de réponse relatif à cet article : en vertu de l’article 6 IV de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 et de son décret d’application n°2007-1527 du 24 octobre 2007, ainsi que l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, estimant directement et indirectement être gravement mise en cause par cet article erroné, imprécis et approximatif, qui porte atteinte à mon honneur, à mon intégrité et à ma réputation, je vous remercie donc de publier sur cette page de votre site internet ma réponse dont le contenu est le suivant :
Le 8 février dernier, vous avez publié sur le site internet du Point, un article en libre accès, toujours consultable ce jour, intitulé : “Sénateurs et députés, tous unis contre la liberté de la presse”, dans lequel je suis citée, étant rapporteure à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi sénatoriale sur la protection des élus locaux, objet de cet article. Votre publication a fait sa promotion, notamment par un tweet émis par le compte de Etienne Gernelle, Directeur de la publication du Point @gernelle dont les plus de 9000 abonnés ont pu lire le texte suivant : “Honte aux sénateurs et députés qui piétinent la grande loi de 1881 sur la liberté de la presse en se votant en douce des protections pour eux-mêmes. Mention spéciale à la députée Renaissance @VSPILLEBOUT, que les scrupules n’étouffent pas. https://w.lpnt.fr/2551914t @LePoint”
Ce tweet, renvoyant vers l’article susmentionné, a été relayé par des abonnés dudit compte, dont un nombre non négligeable possèdent eux-mêmes des comptes influents. Malgré ma mise en cause directe, je n’ai pas pas été contactée par l’auteur de l’article, ni celui du tweet s’en faisant écho, et n’ai pu ainsi apporter au préalable mon éclairage et rectifier des éléments portés à tort à la connaissance des lecteurs. Je regrette que cet article comporte plusieurs assertions erronées et imprécises qui nuisent à la bonne compréhension du lecteur sur le travail des parlementaires dont je fais partie, et qui nuisent à leur honneur.
En premier lieu, je m’étonne que l’article n’interroge que des organismes qui se sont opposés à l’article 2bis sans jamais donner la parole à l’initiatrice de cet article au Sénat, Madame Catherine Di Folco, ou à moi-même, rapporteure à l’Assemblée, ou encore à ceux directement mis en cause : les députés et sénateurs. Votre article cite 11 organismes ou intervenants, opposés à l’article 2bis qui allonge le délai de prescription pour la diffamation ou l’injure publique : Me Christophe Bigot, président de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse, Étienne Gernelle, directeur de la publication du Point, les syndicats SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes et SGJ-FO, l’Association confraternelle de la presse judiciaire, Reporters sans frontière, Me Richard Malka, Le syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), Me Renaud Le Gunehec, avocat du Point. Pas un seul élu n’est interrogé.
Votre papier à charge et à sens unique, induit à tort que l’article de loi a été voté quasiment en secret et dans la précipitation alors que l’amendement d’origine a été introduit au Sénat à l’automne 2023. Dans votre papier, il est indiqué que l’Assemblée « a voté mercredi en catimini mais à l’unanimité » : comme vous le savez, il est faux de dire que les débats ont lieu catimini, puisqu’ils sont filmés en hémicycle au Sénat, et à l’Assemblée en commission des lois et en hémicycle, visionnables en direct et en replay. Faux également de dire “unanimité”, car lors des débats au Sénat comme à l’Assemblée, il y a eu des prises de positions très diverses sur l’article 2 bis : des POUR et des CONTRE, de tous groupes politiques. Pour exemple, LFI a d’ailleurs voté CONTRE la proposition de loi à l’Assemblée, tandis que les Socialistes ont voté POUR, comme la majorité présidentielle.
Le titre de l’article lui-même est faux : ”Sénateurs et députés, tous unis contre la liberté de la presse ». Car je suis députée, très impliquée dans la défense de la liberté de la presse, co-présidant un groupe de 25 parlementaires contributeurs aux États Généraux de l’information. Car l’expression « tous unis » est un amalgame grossier, inexact et démagogique.
Ensuite, vous me mettez directement en cause, alors que cet article de loi, voulu et soutenu par l’Association des Maires de France, a été voté par des élus de tous bords, dans les deux chambres. L’amendement créant l’article 2bis, dont je n’ai pas eu l’initiative, a fait l’objet de discussions dès octobre 2023 au Sénat. Vous induisez vos lecteurs en erreur en laissant à penser, sans preuve, que j’utiliserais la lutte contre la haine en ligne dont sont victimes les élus, comme “couverture” à l’adoption transpartisane de cet article. La phrase de votre papier : « Sous le couvert de la volonté de lutter contre la haine exprimée à l’égard des élus sur les réseaux sociaux » est insultante et grave, pas uniquement pour moi, mais aussi en ce qu’elle assène que les parlementaires auraient agi sciemment pour tromper les citoyens en dissimulant leurs réelles intentions. Il s’agit d’une atteinte inacceptable à notre probité.
Pour votre information, après l’alerte du SNJ, et alors que j’ai annoncé, en qualité de rapporteure, mon intention de proposer le retrait cet amendement en Commission Mixte Paritaire, l’Association des Maires de France a exprimé sa déception, ce qui atteste que cet article visait bel et bien à répondre à une inquiétude effective, concrète, quotidienne : celles des élus de tous les territoires et pas à nos intérêt personnels. Dans votre article, Me Renaud Le Gunehec affirme que « les élus sont les dernières personnes à qui devrait profiter le régime de prescription plus souple ». Pas un mot, en revanche, sur la souffrance des élus locaux. Je conteste également les affirmations : “un amendement au seul avantage des élus”, “au seul profit des élus” : en effet, l’objectif de la loi n’est pas de créer des privilèges injustifiés, mais bien de protéger l’engagement des citoyens dans les mandats électifs. Les élus ne sont pas propriétaires de leurs mandats, et la majorité des citoyens peut se présenter aux élections ; ils sont donc concernés par cette mesure, visant à protéger l’attractivité de ces fonctions cruciales, et donc l’engagement démocratique. Les élus et les candidats sont placés dans une situation singulière, du fait de leur exposition médiatique et des décisions qu’ils sont amenés à prendre. Ces arguments ont largement été développés dans les débats parlementaires, et reflètent l’immense souffrance des élus locaux, démontrée par un nombre de démissions croissant de maires ces dernières années.
Je souhaite contester deux choses évoquées dans la phrase de Maître Bigot : “Les élus se votent une loi sur mesure pour échapper aux contraintes de procédure destinées à garantir la liberté d’information, pour mieux attaquer ceux qui les critiquent” :
Le but de l’amendement introduisant l’article 2bis n’est pas d’échapper à des contraintes de procédures ; il revêt un tout autre objectif, détaillé dans l’exposé sommaire de l’amendement initial déposé par les sénateurs socialistes, que vous n’avez visiblement pas lu avant d’interroger vos interlocuteurs : “Avec l’émergence des réseaux sociaux et du cyberharcèlement, les élus ne sont plus seulement visés par des violences physiques, mais également par de nombreuses diffamations et injures propagées sur le net. La législation actuelle n’est pas adaptée à ce fléau d’un genre nouveau… Cet état du droit confère une impunité totale aux auteurs de propos diffamatoires et injurieux à l’endroit des élus sur les réseaux sociaux, puisque ces derniers n’ont ni le temps, ni les moyens de procéder à une veille numérique, qui leur permettrait de prendre connaissance à temps de ces faits délictueux.”
Par ailleurs, je tiens à préciser que “diffamation” et “injure publique » ne sont en rien un “droit à la critique” comme évoqué dans votre papier, mais bel et bien un délit. La proposition de loi est motivée par la protection de l’accès à leurs droits d’élus locaux, constamment menacés et au bord de l’épuisement moral. Vous laissez ainsi penser à vos lecteurs que la diffamation et l’injure publique relèvent de la libre opinion et de la liberté d’expression, alors que l’amendement cible explicitement les mensonges, menaces et propos orduriers.
Dans son témoignage M. Etienne Gernelle assure que « Les députés et sénateurs font ici preuve d’une totale absence de scrupules et d’une inculture crasse », et il me décerne une médaille du déshonneur dans son tweet évoqué plus haut. J’estime que cette phrase porte atteinte à mon rôle de parlementaire, à mon histoire personnelle, comme à ceux de mes collègues, en particulier tous ceux victimes de violences. De plus, les Députés représentent la variété de profils et des catégories socio-professionnelles des Français. Ils n’ont pas le devoir, pour se porter candidats, d’avoir une « culture spécialisée » ou d’appartenir à une quelconque “caste intellectuelle” ou “élite”.
Merci de porter ces informations à la connaissance de vos lecteurs.