Tribune de Violette Spillebout
En réponse à la tribune de Louis Boyard du 26 avril 2024
L’Université est en danger. La liberté d’expression y est en danger, le débat y est en danger. C’est en particulier vrai à Lille où une minorité d’étudiants aux idées extrêmes, galvanisés par des élus insoumis irresponsables, tentent d’y faire régner le chaos et la peur.
Le 21 mai dernier à Lille, le collectif Golem, pourtant hostile à la politique du premier ministre israélien, n’était pas le bienvenu lors d’une table-ronde organisée par l’Université de Lille et intitulée : « Israël – Palestine : comment une communauté universitaire s’engage ». Cette réunion avait vocation à renouer le dialogue et à permettre aux associations engagées sur le conflit israélo-palestinien de s’exprimer : le collectif Golem et l’association Libre Palestine. Malheureusement, cette dernière a tué le débat d’entrée : ce mouvement, qui avait déroulé le tapis rouge à Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan quelques semaines plus tôt, a démontré en quoi il est utile de dénoncer ces liaisons dangereuses.
Ce 21 mai, la première intervention provocatrice de Libre Palestine a été suivie de slogans haineux, d’invectives, et de chants militants menaçants et antisémites. Contre le président de l’Université, les enseignants, et l’association Golem. Le modérateur a été contraint de mettre fin à la soirée avant même que chacun ait pu s’exprimer. Les jeunes membres de Golem ont même dû être protégés pour pouvoir quitter l’Université en sécurité. Un fiasco que l’on pouvait hélas redouter.
Alors que l’université est un lieu destiné à élever la pensée, un espace républicain, pluriel, ouvert à toutes les opinions, les extrémistes de gauche radicale tuent l’idée même de dialogue. Ils détournent une cause, celle des victimes civiles à Gaza, qu’ils desservent tristement par leurs soliloques intolérants et leurs injures. Ils ne défendent pas la paix, mais prônent des positions incendiaires qu’ils vocifèrent, et refusent de débattre.
J’avais plaidé en faveur de l’annulation de la conférence de Rima Hassan et Jean-Luc Mélenchon, organisée le 18 avril dernier par l’association Libre Palestine à l’Université de Lille. Je m’étais opposée au fait que ce meeting politique déguisé ait lieu au sein de l’Université, alors même qu’il pouvait se dérouler dans d’autres espaces publics. Je n’ignorais pas le climat de terreur que m’avaient rapporté des élèves, des parents, des professeurs, qui allaient en cours la peur au ventre.
LFI ne peut pas se dédouaner de ses responsabilités. Vouloir obstinément imposer un débat incandescent dans les Universités est pyromane. Se victimiser, puis exciter les esprits ensuite, est doublement irresponsable. Les groupuscules étudiants proches de LFI interdisent l’accès à nombre de personnalités qui leur déplaisent, ou les accueillent dans le chahut. Formellement ou plus insidieusement, c’est vous et vos amis Monsieur Boyard qui faites régner ce climat délétère et dangereux.
Cette conférence avait finalement, et heureusement, été annulée dans l’établissement Que n’avons-nous pas alors entendu ? Que la liberté d’expression était piétinée, déchirée, en lambeaux… Le sinistre nom d’Eichmann a même été lâché par votre gourou Jean-Luc Mélenchon. Une séquence hystérique et abjecte.
Suite à ma tribune sur le sujet dans Libé, vous m’avez interpellée pour m’expliquer que, « ne m’en déplaise, les jeunes avaient le droit de faire de la politique à l’Université ». Après ce qui s’est passé la semaine dernière à Lille, après les menaces de morts reçues quelques jours plus tôt par le Président de la même Université, croyez-vous vraiment que quelqu’un puisse encore donner du crédit à vos injonctions ? Non, l’Université ne peut pas devenir une base arrière de mouvements politiques, servant à promouvoir seulement les idées et les programmes adoubés par des groupuscules radicaux décidant autoritairement du planning des conférences. On est bien loin de la liberté d’expression. Il s’agit ni plus ni moins d’une OPA sur le débat universitaire.
Ce climat malsain qui règne dans nos universités, et qui n’a rien à voir avec l’éveil politique idéaliste d’une époque révolue, est la résultante d’une escalade à visée électoraliste dont LFI est largement responsable, obsédée par l’objectif de toucher la « cible » des étudiants à l’approche des élections européennes. Ce calcul cynique est insultant pour la jeunesse, dont les plus grands mouvements ont été largement spontanés et méfiants par nature à l’encontre de toute récupération.
Si la politique a sa place à l’Université, c’est toute la politique qui doit alors y être invitée et bienvenue. L’éducation nationale publique, financée par tous les Français, doit garantir la diversité des opinions et la richesse des débats. En toute sécurité. L’Université doit impérativement demeurer le lieu des savoirs et du dialogue, un lieu inclusif et pacifié où débat rime avec respect.
L’Université publique dans notre pays est plus que jamais menacée.
C’est vrai partout, on l’a vu avec les blocages, et c’est vrai en particulier dans ma ville, à Lille : la tension monte, invariablement, dangereusement.
Il est temps d’aller plus loin, et de stopper l’engrenage. Il faut accompagner l’Université de Lille afin qu’elle puisse réagir juridiquement et fasse sanctionner les étudiants auteurs de ces insultes racistes et antisémites. Il faut l’aider aussi à organiser des débats pluriels en toute sécurité. C’est un véritable enjeu de société.