En campagne ce dimanche, l’élue avance l’ancrage personnel et pas son affiliation au camp présidentiel, dans une circonscription moins touchée par la marée RN et fait face à la colère et à l’incompréhension des habitants.
Une députée macroniste sortante avec le vent dans le dos, ces jours-ci, ce n’est pas si courant. Violette Spillebout a de la chance : sa circonscription, la neuvième du Nord, est la seule du département à avoir placé la liste Renaissance en tête aux élections européennes, dimanche dernier, avec 20,46% des voix. Ce territoire où cohabitent un bout populaire de Lille, la moitié de Tourcoing et les très bourgeoises villes de Bondues, Mouvaux et Marcq-en-Barœul, a l’allure d’un havre macroniste préservé.
Au salon de thé de Marcq, où rendez-vous était donné aux militants pour le tractage dimanche matin, Robert et Marielle, venus prendre leur petit-déjeuner avec journaux et bouquin, la guettent. En deux ans de mandat à peine, l’élue Renaissance s’est installée dans le paysage, son nom est connu. Le couple est inquiet, estomaqué de la montée de l’extrême droite dans ces bastions aisés de la droite bon teint passés au macronisme : 18,7% pour le RN dans la circonscription aux européennes, contre 9,6% au premier tour des dernières législatives de 2022.
«Il y a quelque chose qui se passe», reconnaît Raphaël Charpentier, suppléant de Spillebout et conseiller de la majorité municipale à Marcq. «Il ne faut pas se reposer sur ses lauriers, estime la députée sortante. Les électeurs se sentent perdus.» Sa stratégie : se montrer, privilégier l’ancrage local, redonner des repères. «Vous nous connaissez bien», dit son tract, où n’apparaissent qu’elle, son suppléant, et Gérald Darmanin, ancien maire de Tourcoing. Pas Emmanuel Macron ou Gabriel Attal. «Moi, c’est la majorité, mais c’est surtout moi !» répond-elle en riant à un curieux qui lui demande son parti.
Pour ce premier dimanche de campagne à la météo peu favorable, elle a choisi la difficulté, le marché du quartier populaire du Pont, à Marcq-en-Barœul, qui vote RN. Peu de monde, et un pavé déjà battu par des militants communistes du Nouveau Front populaire. On se serre la main, en toute cordialité. Aux étals, ce n’est pas l’ambiance. «Je ne suis pas inscrit sur les listes électorales depuis 1995», dit l’un. «Vous vous déplacerez le 30 juin ?» demande, pleine d’espoir, Spillebout à un autre. «Pas du tout», répond-il. Enfin, un répit, au stand du marchand de gaufres, qui papote volontiers. «J’ai essayé d’être très présente», fait valoir la candidate. Il la rassure : «Je pense que vous allez repasser.»
Un homme alpague Spillebout, lui demande ce qu’elle ferait dans le cas d’un duel RN-Front populaire : «Je dirai de voter pour Odile Vidal-Sagnier, la candidate du Front populaire», répond-elle, sans hésitation. L’autre part en vrille : «Vous appelez à voter Mélenchon, vous êtes une traîtresse. Il n’y a que trois sujets, le pouvoir d’achat, la sécurité et l’immigration. Si vous ne l’avez pas compris, vous êtes perdue.» Violette Spillebout tient bon sous la bourrasque, puis constate : «30% de RN au niveau national, voilà ce que cela donne dans la rue.»
Au marché de Bondues, deuxième étape de sa tournée, un ancien militant LR lui détaille les raisons de son vote RN, et d’abord une trop grande permissivité de la société : «On a l’impression qu’il n’y a plus de règles», regrette-t-il. La candidate est sollicitée, plus que d’habitude. «Les gens ont besoin de parler, longtemps», analyse la députée sortante. Et de sortir leur colère.