Il n’y a pas de débat plus intime que celui de la fin de vie. Il convoque nos peurs, nos convictions les plus profondes, nos histoires familiales. Il fait surgir des émotions parfois violentes, des questionnements existentiels, mais aussi un formidable élan d’humanité. Car derrière ce débat, il y a des visages, des voix, des vies : celles de malades en grande souffrance, de familles épuisées, de soignants confrontés à leurs limites.

Depuis plusieurs mois, je reçois de nombreux témoignages d’habitants de la 9ᵉ circonscription du Nord, de professionnels de santé, d’élus, de familles. Certains m’écrivent pour exprimer leur espérance : celle de pouvoir, un jour, choisir leur fin de vie avec lucidité et paix. D’autres expriment leurs doutes ou leur opposition, au nom du serment médical, de la valeur inconditionnelle de la vie, ou de la peur de voir les plus fragiles abandonnés à eux-mêmes. Ces voix méritent d’être toutes entendues. Elles éclairent un débat qui ne peut être ni simplifié, ni instrumentalisé.
La souffrance, parfois, dépasse la vie
Disons-le franchement : la mort n’a rien d’anodin. Être arraché à sa famille, à ses proches, n’a rien d’anodin. Les personnes gravement malades qui demandent à être accompagnées vers la mort ne le font ni par résignation, ni par légèreté. Elles le demandent parce qu’elles sont confrontées à une souffrance sans issue, à une détresse irréversible, à une vie devenue épuisement.
Les soignants, eux, font le serment de soigner. De lutter, sans relâche, pour la vie. Mais certains, après des années de présence auprès des malades, en viennent à soutenir cette évolution. Parce qu’ils ont vu ce que nul ne devrait voir : des corps torturés, des consciences dévastées, des proches impuissants. Parce qu’ils savent qu’il arrive, parfois, que la douleur ne puisse plus être soulagée.
Si nul ne souhaite mourir, certains n’aspirent plus qu’à cesser de souffrir.
Et cette souffrance déborde souvent le seul patient. Elle se diffuse, elle épuise, elle atteint ceux qui accompagnent, ceux qui aiment. Parce que la douleur est contagieuse. Parce que l’amour ne protège pas toujours de l’insoutenable.
Un débat éthique, humain, et collectif
Je ne fais pas partie de la commission spéciale chargée de l’examen du texte, mais je suis avec une grande attention l’examen du texte en cours en séance publique. Je suis particulièrement attachée à ce que l’accompagnement des personnes gravement malades, en fin de vie ou en grande détresse, reste au cœur de nos préoccupations collectives.
Les messages que je reçois soulignent l’importance de la prudence, de l’encadrement, mais aussi du respect de la liberté individuelle. Ils rappellent que ce sujet touche à la responsabilité du corps médical, à la prévention du suicide, à l’égalité dans l’accès aux soins. Ce sont là des balises indispensables.
Une loi humaine, rigoureuse et encadrée
Je soutiens l’inscription, dans notre droit, d’un accès strictement encadré à l’aide à mourir pour les personnes majeures atteintes d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, dont le pronostic vital est engagé, et qui expriment une volonté libre, éclairée et stable dans le temps.
Le texte actuellement débattu repose sur cinq critères cumulatifs :
- Être âgé d’au moins 18 ans ;
- Être français ou résidant en France de manière stable ;
- Être atteint d’une affection grave et incurable, engageant le pronostic vital ;
- Ressentir une souffrance physique ou psychologique réfractaire aux traitements ou jugée insupportable ;
- Être capable d’exprimer une volonté libre, éclairée et persistante.
Il prévoit l’exclusion des personnes sous emprise ou atteintes de troubles psychiatriques graves.
La dignité, c’est aussi l’accès réel aux soins palliatifs
Cette réforme ne doit jamais devenir une alternative à l’accompagnement. Trop de personnes, aujourd’hui, meurent sans soins palliatifs. Trop de familles traversent cette étape dans la solitude ou la douleur brute.
Je plaide avec force pour un plan national ambitieux en faveur des soins palliatifs : développement des structures, présence accrue des équipes mobiles, formation des soignants, soutien psychologique pour les malades comme pour leurs proches.
L’aide à mourir ne doit jamais être le symptôme d’un système de santé défaillant. Elle ne doit être qu’un recours, jamais une facilité.
Liberté, solidarité, humanité
La fin de vie est une épreuve. Mais elle peut aussi être un moment de vérité, où la société affirme ses valeurs les plus profondes. Il nous revient, collectivement, de garantir à chacun le droit d’être accompagné avec humanité, quelle que soit sa situation, quel que soit son choix.
Le texte que nous examinons est le fruit d’une large concertation, issue notamment des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie mise en place par le président de la République.
Il constitue une avancée importante, dans un cadre juridique strict, respectueux et éthique. C’est pourquoi je voterai en sa faveur, avec la conviction qu’il est possible de concilier la liberté de chacun, la protection des plus fragiles, et la solidarité nationale.
Mais si, au fil du débat parlementaire, les garanties de rigueur, de discernement et d’équité venaient à être affaiblies, je me réserverai la liberté de ne pas voter ce texte ou de m’en abstenir. Car sur un sujet aussi grave, notre responsabilité est immense, et notre exigence doit rester intacte.
Rappel
Il est essentiel de rappeler que cette proposition de loi est le fruit d’un travail collectif, longuement réfléchi et solidement encadré. Avant même sa présentation au Parlement, elle a été précédée par une Convention citoyenne sur le sujet.
Il faut également souligner qu’un projet de loi sur ce sujet avait été déposé sous le gouvernement d’Élisabeth Borne en 2024, mais le processus législatif avait été interrompu en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le travail engagé n’a toutefois pas été perdu : il a permis d’alimenter les réflexions et d’enrichir la proposition de loi actuelle. Ce projet initial, qui combinait soins palliatifs et aide à mourir dans un même texte, a depuis été scindé en deux propositions de loi, afin de mieux encadrer chacun de ces aspects sensibles.
Le nouveau texte sur l’aide à mourir sera voté par les députés le 27 mai 2025, puis entamera une navette parlementaire : après son examen à l’Assemblée nationale il sera examiné successivement par le Sénat, puis de nouveau par l’Assemblée nationale et le Sénat, chaque chambre pouvant proposer des modifications.
Cette navette pourra donner lieu à une double lecture dans chaque chambre, avant qu’un texte commun ne soit éventuellement adopté.
Il s’agit donc d’un parcours législatif long et rigoureux, où chaque mot, chaque garde-fou, chaque principe est pesé et discuté. D’ici à l’entrée en vigueur du texte, prévue dans un à deux ans s’il est adopté, d’autres amendements viendront encore affiner et renforcer son encadrement, dans un souci constant de prudence. Ce temps long est une garantie démocratique, et le signe que, sur un sujet aussi grave, notre République prend le temps d’écouter, de comprendre et de protéger.