Ce lundi 8 décembre 2025, j’ai participé au Conseil de juridiction du Tribunal judiciaire de Lille, consacré à un sujet majeur pour notre territoire et pour la République : l’accompagnement des victimes, de la plainte jusqu’à la réparation psychologique, physique, financière et judiciaire.
En tant que députée du Nord, conseillère municipale de Lille et rapporteure de la commission d’enquête sur les violences en établissements scolaires, j’ai été particulièrement attentive à la qualité des échanges. Ils confirment une conviction fondamentale : notre justice change de culture, et le Tribunal judiciaire de Lille est en train de devenir une référence nationale dans la construction d’un véritable parcours victime.
Une démarche institutionnelle renforcée
Instauré par le décret du 26 avril 2016, le conseil de juridiction réunit la présidente du Tribunal judiciaire, le procureur de la République, les professionnels de justice, les associations, les avocats… et les élus que nous sommes.
Nous ne sommes pas de simples observateurs : nous sommes les relais des justiciables, de leurs attentes, de leurs douleurs, mais aussi de leur confiance.
Cette édition 2025 intervenait dans un contexte nouveau :
👉 La circulaire du Garde des Sceaux Gérald Darmanin, qui engage la justice dans une formalisation plus poussée de son devoir d’attention envers les victimes.
👉 Et, à Lille, la perspective du nouveau Palais de justice dès début 2027, où l’accueil des victimes devra être exemplaire : salles dédiées, espaces protégés, dispositifs de visio-conférence, orientation renforcée.
J’ai salué cette ambition, indispensable pour une métropole qui traite 100 000 procédures et près de 100 000 victimes par an.
L’urgence, premier maillon du parcours
La première table ronde était consacrée à la prise en charge en urgence, au cœur du travail du Bureau d’Aide aux Victimes (BAV), en lien avec l’AIAVM (association intercommunale d’aide aux victimes) et deux autres associations agréées par le ministère de la Justice.
Des dispositifs essentiels, souvent vitaux, sont rappelés par les magistrats du parquet :
- Mesures d’éloignement
- Bracelet anti-rapprochement
- Téléphone Grave Danger (TGD)
- Hébergement d’urgence
- Interdictions de contact
- Comparution immédiate
- CRPC, déferrement, composition pénale
Au 30 novembre 2025, 55 téléphones grave danger étaient attribués à Lille sur une flotte de 86. Un outil crucial : lorsqu’une victime déclenche l’alerte, elle est immédiatement géolocalisée et les forces de l’ordre disposent de toutes les informations nécessaires pour intervenir.
J’ai été particulièrement sensible à ce travail coordonné entre parquet, police, gendarmerie, CRIP, hôpitaux, et associations. Cette réactivité sauve des vies.
Un maillage territorial exemplaire
Les associations disposent :
- de 20 points d’accueil dans la métropole,
- de permanences dans les commissariats,
- d’une présence à la MAVI (Maison d’accueil des victimes) du CHU,
- et elles ont accompagné 3 200 victimes en 2025, dont 42 % via le BAV du Tribunal.
Le rôle indispensable des avocats
Le barreau de Lille mobilise 100 avocats dédiés à la commission victimes :
- permanence comparution immédiate,
- ligne Allô Victimes (8h–20h),
- accompagnement sur les procédures, les droits, les suites d’enquête.
Cette mobilisation est exemplaire : j’ai tenu à la saluer publiquement.
La temporalité, l’information, les lieux : les trois défis à relever
Les intervenants ont souligné trois axes d’amélioration majeurs pour les années à venir :
1. Mieux gérer le temps
Paradoxalement, l’urgence n’est pas toujours la meilleure réponse :
- certaines victimes doivent protéger un proche,
- d’autres n’ont pas encore pu chiffrer leurs préjudices,
- d’autres encore ont besoin d’un temps psychologique.
À l’inverse, l’indemnisation reste trop longue : 9 mois de délai en moyenne devant la CIVI, et 700 affaires en stock.
Une innovation inspirante : le dérouleur d’audience, déjà expérimenté à Lyon, qui permet d’expliquer le déroulé du procès avant la séance.
2. Améliorer les lieux et l’accueil
- Mieux faire connaître les Points d’Accès au droit.
- Mieux orienter les victimes dès l’entrée du Tribunal.
- Prévoir une salle dédiée aux victimes et aux familles, distincte de celles des auteurs.
- Multiplier les espaces protégés, notamment dans le futur Palais de justice.
3. Rendre l’information plus lisible
Les procédures pénales sont complexes ; pour une victime, elles sont souvent incompréhensibles.
Les intervenants ont insisté sur la nécessité de :
- simplifier les supports,
- clarifier les démarches,
- faire davantage de pédagogie grand public,
- former l’ensemble des professionnels.
L’indemnisation : une étape cruciale du parcours
La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) a rappelé son rôle essentiel :
- indemnisation intégrale des dommages corporels,
- indemnisation plafonnée des atteintes aux biens,
- articulation avec les assurances,
- délai de saisine : 3 ans à compter des faits.
172 décisions rendues en 2025, mais plus de 500 dossiers déposés. La massification des contentieux exige des moyens renforcés.
Mon engagement : ne jamais laisser une victime seule
Ce conseil de juridiction n’était pas un simple exercice institutionnel : il a mis en lumière un enjeu national.
Dans la commission d’enquête que j’ai rapportée sur les violences en établissements scolaires, nous avons entendu des centaines de victimes – enfants, enseignants, personnels – confrontées aux mêmes difficultés :
- temporalité trop longue,
- manque d’information,
- absence de coordination,
- sentiment d’abandon.
Ces constats sont identiques dans notre justice pénale.
C’est pourquoi je veux que Lille devienne un territoire pilote dans la construction d’un parcours victime clair, fluide, protecteur, humain.
Vers un nouveau Palais de justice protecteur
Le futur Palais de justice, qui ouvrira début 2027, doit incarner cette ambition.
J’ai plaidé pour qu’il intègre :
- des salles dédiées aux victimes,
- des parcours séparés auteurs/victimes,
- des box de visio-conférence modernes,
- une signalétique claire,
- un accueil renforcé.
Ce bâtiment ne doit pas être seulement un lieu de procédure, mais un lieu de protection.
Conclusion
Je veux remercier chaleureusement la présidente du Tribunal judiciaire de Lille, le procureur de la République, l’ensemble des associations, les avocats du barreau, les professionnels du ministère de la Justice et les délégués interministériels pour la richesse des échanges de ce matin.
Lille a les compétences, l’énergie et la volonté pour devenir un modèle national de prise en charge des victimes.
Et je prendrai ma part, dans mon mandat national comme dans mon engagement local, pour défendre une justice plus humaine, plus lisible et plus protectrice.






