Faire Respirer Lille vote cette délibération de création de la ZAC (zone d’aménagement concertée) du secteur CONCORDE mais souligne des points de forte vigilance :
– une concertation préalable à laquelle les habitants ont trop peu participé, et qui a trop peu abordé certaines questions (volet économique, sécurité) ;
– une consultation décalée et une période défavorable : 12 avis seulement n’émanant que de 2 personnes ;
– de nombreuses inquiétudes subsistent, notamment sur le relogement, et imposent une nouvelle action collaborative réelle
Intervention de Violette Spillebout
Madame le Maire, chers collègues,
Les validations successives du dossier Concorde à l’ANRU, pour un soutien d’environ 20 millions d’euros, montrent que c’est un projet essentiel pour notre renouvellement urbain. Nous, les élus Faire Respirer Lille, sommes confiants dans la réalisation de ses objectifs, essentiels pour développer le quartier de Faubourg de Béthune, mais très vigilants sur l’association des habitants à cette mutation profonde du Faubourg de Béthune.
Et c’est là que le bât blesse, Madame le Maire.
La décision de création de la ZAC Concorde, vous l’avez rappelé, doit s’appuyer sur le bilan de concertation précité, ainsi que sur le bilan de mise à disposition de l’étude d’impact.
SUR LE BILAN DE LA CONCERTATION
Nous avons donc repris le temps de consulter le document “Bilan de concertation” qui, pour mémoire, a de nombreux points faibles :
- Le volet économique/emploi est particulièrement léger dans la transformation du quartier
- La sécurité et le trafic de drogue ne font l’objet de quasiment aucune proposition : on parle d’incivilités et d’usages et mésusages des surfaces réaménagées, mais sans trop de précisions ;
- Et surtout, pour un quartier qui a près de 8000 habitants, seulement 11 avis d’habitants ont été exprimés en direct, dont 7 numériques et 4 papier, parfois d’une seule ligne.
Déjà à ce moment là, en 2019, beaucoup d’habitants semblaient vivre avec passivité ce qui va se passer, où alors on est pas vraiment allé chercher leur avis… Venir écouter une réunion descendante avec des présentations techniques et interminables, organisées par la mairie n’est pas réellement notre conception d’une concertation réussie qui implique et entend les habitants. D’ailleurs, Mme le Maire, elles ne se sont pas toutes si bien passées que çà…
SUR LA MISE A DISPOSITION DE L’ÉTUDE D’IMPACT
Le travail conduit au cours de l’année 2020 visait à rendre possible la mise à disposition du public de l’Étude d’impact du projet urbain Concorde, portée par la MEL et finalisée au mois d’avril.
Belle ambition, réglementaire d’abord, mais aussi démocratique, pour associer des populations directement concernées par les futurs travaux, démolitions, relogements, qui commencent bientôt.
Et là, sur la méthode, le bas blesse, oui, Madame le Maire.
La mise à disposition de cette étude d’impact au public lillois devait normalement dans le calendrier, avoir lieu en mars 2020. En raison du confinement, et c’est bien normal, la SPL Euralille a décidé avec la MEL de décaler cette mise à disposition, et finalement elle s’est ouverte le 23 octobre et s’est clôturée le 27 novembre.
Mais comment se fait-il que l’on ait maintenu cette consultation, en plein second confinement, à un moment où les habitants ne risquaient pas de se déplacer à la Maison du projet (qui n’était pas ou peu ouverte d’ailleurs) ou la MEL pour lire les 543 pages mises à disposition !
La médiation numérique auprès des habitants et la communication ont dû être très insuffisantes car finalement on en voit le résultat aujourd’hui, affligeant sur la forme comme sur le fond : seulement 12 avis exprimés sur le site de la MEL, mais qui n’ont été envoyés que par deux personnes : 1 habitant et 1 avocat.
3 avis émanent d’un avocats de professionnels de santé exerçant sur le secteur.
Les 9 autres d’un habitant aux compétences d’urbaniste indéniables.
Cela fait bien peu et offre peu de garantie sur la prise en compte de la voix des habitants.
Alors avec nos conseillers de quartier Faire Respirer Lille, nous avons analysé ces réponses, et interrogé des habitants et acteurs du quartier. Ceux-ci relayent des inquiétudes réelles des habitants, qui nous ont été confirmées fortement ces derniers mois :
Les professionnels de santé exerçant leur activité boulevard de Metz, dans le centre commercial Concorde, s’inquiètent pour la pérennité de leur activité professionnelle dans le cadre de cette opération. Leur maintien dans le quartier est, pour l’heure, particulièrement incertain, les informations figurant dans l’étude d’impact étant évasives.
Les questions des habitants sont justes et sans réponse dans l’étude d’impact :
– Qu’est-il prévu en gestion transitoire de ces sites avant leur reconstruction ? Comme pour la Friche St Sauveur, allons nous garder une friche vierge pendant des années?
– Qu’est-il prévu réellement pour accompagner les habitants actuels ? Sur 2125 habitants de Concorde, 1545 vivent sous le seuil de pauvreté. 5ème quartier le plus pauvre de France. Actuellement 100% de l’offre est en locatif social, demain 30%. Combien sont ils et où partiront les ⅔ des résidents, ces 540 familles à reloger ?
En pleine mutation, ce quartier oscille aujourd’hui dans un équilibre fragile, entre ceux qui s’accrochent à leurs racines, attachés à un quartier où ils ont grandi et ceux qui rêvent de le quitter. Un projet de mixité sociale certes nécessaire, au regard notamment du trafic de drogue qui s’est enkysté dans le quartier, mais qui questionne donc.
– Le projet de ZAC n’aurait-il pas pu prendre en compte la problématique du rond-point de la Porte des Postes : saturé, espace dévolu aux cyclistes très limité et dangereux, temps long pour un piéton qui veut en faire le tour ?
– Le quartier, malgré la pauvreté, regorge d’initiatives associatives et entrepreneuriales, comme Fou de Coudre, ou comme le Tiers Lieu innovant en cours de création “kiosque Butterfly”, accompagné notre budget participatif et par la MEL. Comme ces talents du quartier sont -ils associés à la transformation, où ces acteurs de l’ESS seront-ils relogés et développés ?
A ce jour, de nombreux relogements ont déjà eu lieu et un premier permis de démolir a été délivré. Le premier trimestre de l’année 2021 devrait voir se dérouler les premiers actes de déconstruction de barres d’immeubles existantes.
Aussi il serait temps, face à ce manque évident de prise en compte des avis des habitants et de réponse à tant de questions essentielles au quartier comme l’économie, l’associatif ou la sécurité, de démarrer une action collaborative réelle, où les élus construisent un plan stratégique global de gestion transitoire impliquant l’ensemble des parties prenantes, porteurs de projets et habitants du quartier.
Je vous remercie
Violette Spillebout