Mon interview dans le JDD du 28 janvier dernier, dédiée à la proposition de loi sur les
violences faites aux élus, a suscité un vif émoi auprès d’anciens journalistes de
l’hebdomadaire du dimanche, qui avaient fortement contesté la nomination d’une
nouvelle équipe jugée en rupture avec la longue histoire du journal et avec sa ligne
éditoriale. En effet, j’avais publiquement témoigné quelques mois plus tôt, mon soutien
indéfectible à l’indépendance des médias et à leur pluralité, lors d’une réunion
organisée par Reporters sans Frontières suite au mouvement de grève des salariés
du JDD. Je suis, comme on dit, montée au front. J’avais délibérément choisi de
participer à cet évènement pour manifester ma préoccupation et celle de la majorité
présidentielle sur le sujet. Et pour dire notre détermination à agir avec des
propositions concrètes imaginées en concertation avec les acteurs du monde des
médias. Il était essentiel à mes yeux d’être présente, à l’écoute du ressenti de cette
décision des actionnaires déjà actée, que je n’avais pas le pouvoir d’infléchir. Elle a
été vécue avec une grande brutalité, voire du mépris, par la grande majorité de la
rédaction d’alors. Il était, je le crois, de mon devoir de m’en préoccuper.
D’anciens journalistes du JDD et des personnalités du monde des médias me
reprochent donc aujourd’hui d’avoir répondu aux questions de ce journal, dont la
ligne éditoriale a évolué, alors même que j’avais manifesté un intérêt pour leur cause
et leurs préoccupations lors du changement de direction. Pour autant, alors qu’une
nouvelle rédaction est en place et que ce journal continue de toucher un large
lectorat, oui, je me refuse à boycotter le JDD. La politique de la chaise vide serait à
mes yeux la pire des solutions.
L’absence d’une parole plurielle ne ferait que renforcer une ligne éditoriale décriée
pour son orientation. Je crois depuis toujours qu’il faut s’adresser à ceux qui ne
partagent pas nos idées afin de contribuer à leur réflexion sur les débats politiques et
les questions de sociétés. Je n’ai pas l’ambition de prêcher uniquement des
convaincus. En outre, étant porte-parole du groupe Renaissance à l’Assemblée,
m’adresser au plus grande nombre fait ma partie de ma mission. Je l’ai exercée avec
cette interview, dans le respect de mes valeurs, sur un sujet sur lequel il est urgent
de mobiliser, celui de la violence grandissante envers les élus, quel que soit leur
parti. J’ai aussi répondu aux questions du Monde, de La Croix, du Courrier des
Maires, de France Info, et d’autres, depuis la sortie du rapport sur le Statut de l’élu
local le 20 décembre 2023, et la présentation à la presse de nos 58 propositions.
Ce refus de boycotter par un principe un journal dont la ligne éditoriale me déplairait,
traduit mon désir de voir résolument subsister une pluralité d’opinions et de
sensibilité dans ces colonnes. Cette pluralité était l’un des chevaux de bataille du
mouvement de contestation. Je ne considère pas que s’exprimer dans un organe de
presse, c’est cautionner sa ligne éditoriale ! Et je ne me résous pas à m’adresser
uniquement à ceux qui soutiendraient mon parti ou refléteraient mes idées. Je serais
alors une porte-parole sectaire refusant de s’adresser à tous les Français. Le boycott
du JDD par des porte-paroles de la majorité, ou toutes voix dissonantes, pour
symbolique qu’il soit, n’est pas une réponse à la hauteur des enjeux. Le dogmatisme
de ceux qui décrient cette vision me désespère.
Pour autant, je m’investis totalement, et je continuerai à m’impliquer pleinement dans
l’approche ambitieuse et globale consistant à protéger l’indépendance des médias,
avec des propositions fortes et durables sur les problématiques du secteur, dont
celles qui ont été soulevées lors du conflit autour du changement de direction au
JDD. Ma détermination sur le sujet de l’indépendance des médias est intacte et
je n’ai nullement renoncé à cette cause essentielle, bien au contraire. Elle est au
cœur des États généraux de l’information voulus par la majorité, dans une logique
transpartisane, afin de renforcer la qualité de l’information, sa diversité et les
garanties nécessaire à la liberté d’expression. Grandement consciente des
inquiétudes, des dangers, et des défis à relever, j’ai annoncé en novembre dernier la
création du MIMP (Médias et Information Majorité Présidentielle), regroupant 25
députés, pour rédiger un livre blanc préconisant de vraies solutions, notamment
visant à protéger l’indépendance des rédactions. Je suis plus que jamais investie
dans ces travaux qui m’amènent à rencontrer, écouter, auditionner les acteurs du
secteur, pour une publication prévue avant l’été 2024. Notre réflexion en cours se
traduira, je l’espère, par des décisions concrètes et transpartisanes sur la
concentration des médias, la nécessité de garde-fous garantissant l’indépendance
des rédactions, comme les chartes, droits d’agrément ou droits de véto ainsi que les
mécanismes susceptibles de défendre et renforcer une pluralité d’opinions dans le
paysage médiatique français.
Ce métier fondamental, à part, qui ne peut pas obéir uniquement aux lois du marché,
doit aussi permettre aux journalistes d’exercer librement leur profession dans le
respect de la déontologie, d’être mieux armés face à la profusion des fake news ou
aux dérives potentielles de l’intelligence artificielle. L’indépendance est le pilier
central de ce grand chantier. La solution, à mes yeux, ne consiste pas à snober des
journaux, en renforçant par absentéisme, un seul son de cloche aux oreilles de leur
lectorat, mais plutôt à imaginer, dans un futur proche, un système plus sain dans la
durée.
Pas une revanche, mais une réponse à la hauteur des enjeux soulevés par la crise
au JDD.
Députée du Nord