Dans une tribune à «Libération», la députée Renaissance explique les raisons de son opposition à la venue de l’avocate franco-palestinienne et du leader insoumis au sein de l’université. Elle y voit une opération d’embrigadement, bien éloignée d’un moment de dialogue apaisé et pluriel.
Ils crient, s’offusquent, s’insurgent… C’est la liberté d’expression qu’on assassine ! tonnent-ils avec des accents révolutionnaires, destinés à effrayer leurs partisans et à tétaniser leurs opposants. Pour l’immense majorité des élus LFI et ceux qu’ils bernent, ce principe sacré est le nouveau credo de leurs manœuvres politiques. Peu leur importe de franchir le point Godwin, ce seuil où l’on bascule dans l’excès absolu et le ridicule, dans l’espoir de discréditer ses contradicteurs ou d’étouffer un débat. Sacré ironie n’est-ce pas ? Au nom de leur liberté, nous devrions donc tous la boucler. Telle est la conception de la liberté d’expression de Jean-Luc Mélenchon, de ses affidés et de certains de ses partenaires de la Nupes.
Les mêmes qui réclament avec fracas l’interdiction de CNews ou autres médias dont les idées les insupportent ; les mêmes qui encouragent parfois leurs militants à perturber les meetings d’adversaires ; les mêmes qui sanctionnent à l’Assemblée nationale des élus de leurs propres partis pour leurs prises de parole dissonantes… Ces tartuffes de la liberté de parole, qui multiplient les procès en sorcellerie, ont pourtant décidé d’exploiter jusqu’à la nausée ce filon, après qu’un de leur sulfureux meeting avec Rima Hassan – sous le coup d’une enquête pour apologie du terrorisme –, ait été annulé dans une université. Celle de Lille en l’occurrence.
Députée du Nord, je me suis opposée à cette opération d’embrigadement, présentée comme une conférence qui aurait été bien éloignée d’un moment de dialogue apaisé et pluriel. Parce que cette réunion était bel et bien un meeting, en pleine campagne des européennes. C’est précisément ce dont M. Mélenchon s’exaspère. L’un de ses meetings électoraux aurait été empêché. Mais de quelle liberté parle-t-on ?
Dans une incroyable pirouette, et en totale hypocrisie, LFI prétend être victime de censure. Ce fracas, visant à se victimiser en diabolisant l’adversaire, doit être dénoncé avec force. Alors même que ce parti peut chaque jour et partout en France organiser des meetings, où il peut dire exactement ce qu’il veut. Alors qu’il peut s’exprimer dans tous les médias, y compris sur les plateaux télé qu’il boycotte. Alors qu’il placarde aussi dans nos rues les visages de ceux qui ne voteraient pas «comme il faut», c’est-à-dire comme eux. Telle est leur conception de la liberté d’expression.
C’est parce que j’ai été interpellée à de multiples reprises par des étudiants, des parents, des enseignants, frustrés par cette OPA sur les idées, à l’université de Lille comme ailleurs en France d’ailleurs, que j’ai employé ma libre expression sur le sujet, quitte à être vilipendée.
L’université doit être apolitique ou pluraliste
L’université, ce n’est pas un espace comme les autres. L’enseignement ne peut pas, ne doit pas, servir d’outil de propagande. En l’occurrence, rayon liberté d’expression, l’extrême gauche, qui y empêche la venue d’invités indésirables, y impose son agenda. A l’université de Lille, les seules réunions politiques organisées depuis plusieurs mois sur le campus sont exclusivement dédiées à des invités d’extrême gauche. En faisant régner une pression informelle ou directe sur d’autres courants, le mouvement étudiant à l’initiative de ces rendez-vous dissuade le pluralisme indispensable à tout fonctionnement démocratique. Seule LFI aurait droit de cité et donc une tribune dans un établissement voué à former les futures générations à l’esprit critique ? Imposer des invités à des étudiants et les priver d’autres voix, c’est le contraire du choix, c’est une claque aux libertés. Où est donc cette fameuse liberté d’expression ?
L’université doit être apolitique ou pluraliste. Elle ne peut pas servir de base arrière pour un embrigadement de la jeunesse en devenant le pré carré d’une idéologie quelle qu’elle soit. L’université doit être un lieu où peuvent s’exprimer toutes les sensibilités. Ou bien, elle doit être un terrain neutre, immaculé, car les autres espaces publics où peuvent se rendre librement les étudiants, ne manquent pas. Faut-il envisager de les préserver du champ de bataille politique en y interdisant tout meeting, a minima en période électorale, à défaut de parvenir à en faire des espaces de débats pluriels ? C’est un débat. Voilà le véritable enjeu de société.
Qu’importent les cris d’orfraie. Il faut combattre le sectarisme et les idées démocratiques à géométrie variable. L’Université n’existe que dans la pluralité des idées. Les partisans de la liberté doivent absolument se préoccuper de sa réalité dans l’enseignement supérieur. Le fracas organisé par LFI, qui, en réalité, a pu tenir librement son meeting à Roubaix, puis son rassemblement à Lille-Moulins, ne doit pas assourdir le débat et occulter les véritables périls démocratiques. La liberté d’expression de LFI n’est aucunement en danger. La liberté d’expression au sein des universités, elle, est bel et bien menacée. A défaut de pluralisme, elles sont le jouet des prosélytes qui rêvent d’y faire régner la terreur intellectuelle.
Je continuerai de m’opposer de toutes mes forces au noyautage des facultés par toute pensée unique. Précisément, au nom de la liberté d’expression.
par Violette SPILLEBOUT, députée de la 9e circonscription du Nord (Renaissance)