Elle était co-rapportrice du rapport sur l’affaire Bétharram. La députée (Renaissance), Violette Spillebout confie qu’elle a été profondément choquée après les propos de François Bayrou ce week-end.
Très impliquée pour les victimes de Bétharram, la députée nordiste Violette Spillebout n’a pas du tout apprécié les déclarations du Premier ministre François Bayrou, sur l’affaire, et à quelques heures de sa chute probable, après le vote de confiance, ce lundi 8 septembre. « Betharram était une terrible injustice. Ça a été un combat dur. Pour ma famille, c’était dégueulasse. C’est la seule chose difficile que j’ai vécue pendant ces 9 mois », a déclaré François Bayrou, invité sur le plateau de l’émission « C à vous ».
Co-rapportrice du rapport sur Bétharram, et plus largement sur les violences vécues en milieu scolaire, avec le député LFI Paul Vannier, Violette Spillebout ne cache pas qu’en l’écoutant, l’homme l’a choquée. Jusqu’ici, elle avait toujours plus ou moins accepté ses excuses, accepté sa défense selon laquelle il ne savait pas la réalité des violences dans l’établissement catholique. Mais ce week-end, François Bayrou a dépassé les bornes.
« Avec effarement »
« J’ai vu et revu ce week-end, avec effarement, l’émission C à vous, dans laquelle le Premier ministre revient sur la commission d’enquête Bétharram », écrit-elle dans un communiqué qu’elle a partagé sur les réseaux sociaux. « J’ai été profondément choquée qu’il n’ait pas eu un mot pour les victimes (…) et qu’il ait nié avec tant de mépris la qualité du travail transpartisan de la commission dont j’étais l’une des co-rapporteurs ».
Elle ajoute : les propos de François Bayrou sont « une double insulte : une insulte aux victimes, dont la détresse m’a bouleversée tout au long des 4 mois d’auditions. Et une insulte aux députés qui ont voté à l’unanimité la création de la commission d’enquête sur les violences scolaires et, quasi-unanimement son rapport et ses recommandations. » « Des milliers d’enfants, pendant plus de cinquante ans, ont subi ces violences dans le silence » rappelle-t-elle, avant de cingler le Premier ministre : « Diriger un gouvernement nécessite une empathie envers nos concitoyens. »
Sa colère est telle, conclut la députée, qu’elle indique avoir pris la décision de s’abstenir ce lundi 8 septembre, lors du vote de confiance, proposé par le Premier ministre. Une promesse qu’elle a tenu : elle a été la seule de son groupe à s’être abstenue. Selon nos informations, cette démarche au sein d’EPR (ex-Renaissance), qui avait fait passer une consigne de vote à ses députés. Violette Spillebout risque désormais d’être convoquée devant le bureau du groupe.
250 plaintes d’anciens et le silence des adultes
Ce week-end, le collectif des victimes avait aussi vivement réagi après les propos de François Bayrou. « Il est surtout dégueulasse que, malgré les engagements pris, rien n’ait été fait », a asséné dans un communiqué Alain Esquerre, porte-parole du collectif et auteur d’un livre sur le scandale de Notre-Dame-de-Bétharram, établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques.
Pour rappel, François Bayrou a été accusé d’avoir menti sur sa connaissance des violences et agressions sexuelles perpétrées pendant plusieurs décennies dans le collège-lycée, où plusieurs de ses enfants ont été scolarisés et où son épouse a enseigné le catéchisme. Le chef du gouvernement a été interrogé le 14 mai par une commission d’enquête parlementaire, dont les deux rapporteurs ont pointé un « défaut d’action » de sa part quand il était ministre de l’Éducation nationale dans les années 1990.
Le rapport de Violette Spillebout et Paul Vannier a été rendu après soixante heures d’auditions. Les députés ont entendu 140 personnes et réalisé quatre déplacements sur site. Leur document reprend les témoignages de victimes lors des auditions à l’Assemblée, qui décrivent de manière glaçante le climat à Bétharram fait de « coups de pied, passages à tabac, coups à la tête occasionnant des percements tympaniques » ou encore « des traitements assimilables à de la torture, tels que des piqûres sous-cutanées à l’eau ou à l’alcool, des coups de batte, des orties frottées contre des parties dénudées du corps », sur des enfants de 8 à 14 ans, aussi bien par « des encadrants que de lycéens promus aux fonctions d’« élèves surveillants ». Et le rapport de souligner au sujet de ces faits « la très longue période durant laquelle ils se sont produits, couvrant aussi bien l’après-guerre que les années 2000 ».
A Bétharram, les élèves ont aussi subi des viols et des agressions sexuelles, qui ont donné lieu à 250 plaintes. Selon les auteurs du rapport, ce « déchaînement de violences » a pu se déployer, non pas parce que les enfants ne parlaient pas, mais bien du fait de l’« omerta » des adultes.
Julia Mereau pour La Voix du nord du 8/09/2025