Alors que certains s’émeuvent du ton de l’audition du premier ministre, en ciblant mon intégrité de rapporteur de la commission d’enquête parlementaire, je souhaite rappeler que cette mission vise à faire toute la lumière sur des décennies de violences passées sous silence. Sans complaisance, sans calcul politique, mais avec une exigence absolue de vérité.

Chacun est libre de réagir à l’audition du Premier ministre.
Une audition qui, par sa médiatisation, a été suivie par des milliers de Français — ce qui n’est pas le cas de la centaine d’autres, tout aussi importantes, menées ces trois derniers mois. Plus de 140 personnes ont été entendues : des collectifs de victimes, des hauts fonctionnaires de l’administration, des autorités religieuses, des associations de protection de l’enfance, des associations de parents d’élèves, des syndicats d’enseignants, d’inspecteurs, de chefs d’établissement, des procureurs, des juges, ainsi que des ministres, anciens ou en exercice.
Le programme des auditions est déterminé par la présidente de la commission, mon co-rapporteur et moi-même, en fonction des moyens disponibles, du calendrier, des priorités, de l’utilité de chaque contribution et des objectifs de la commission.
Concernant les ministres, nous avons sélectionné en priorité ceux qui ont été directement mis en cause ou interpellés par des victimes dans des affaires de violences systémiques, ceux qui ont porté une loi ou une circulaire marquante dans le domaine, ou encore ceux dont les responsabilités passées ou présentes les impliquent dans la gestion de cas précis de violences, de signalements, de plaintes ou de contrôles. Six ministres de l’Éducation nationale, tous bords confondus, et trois de la Justice ont été entendus.
Le sujet n’est donc pas leur appartenance politique, mais leur responsabilité directe au regard des faits investigués.
Le temps imparti à notre commission est restreint : nous remettons notre rapport à la fin juin 2025. Ce calendrier impose un choix rigoureux et parfois frustrant dans le nombre d’auditions et leur durée. Mais de nombreux intervenants complètent leur passage devant la commission par une contribution écrite, spontanée ou en réponse à nos questions. J’encourage toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à nous adresser des éléments.
S’agissant de la tonalité des échanges, toutes les auditions sont publiques, filmées en direct, disponibles sur le site de l’Assemblée nationale. J’invite chacun à les visionner : on y voit une commission exigeante, composée de profils très divers, parfois incisifs mais toujours précis. Nous interrogeons sans détour l’ensemble de la chaîne de responsabilités dans le contrôle de l’État, pour en dégager les dysfonctionnements majeurs et formuler des propositions concrètes.
Je ne crois pas que les pressions exercées sur la commission — et particulièrement sur moi, à Paris comme à Lille — soient le signe d’une quelconque sérénité.
Certains trouvent nos questions rudes, dérangeantes ? Mais à quoi s’attendaient-ils ? Cela fait des années que les débats à l’Assemblée nationale sont vifs, accusateurs, parfois violents. La forme de nos échanges est le fruit de cette culture politique, que chacun doit assumer.
Pour ma part, je n’ai qu’un objectif : aller au fond.
Les attaques, les diversions, les intimidations ne me feront jamais dévier de cette mission.
Pendant des décennies, des enfants ont été humiliés, violentés, violés dans des institutions censées les protéger, les éduquer, les guider avec fierté vers leur vie d’adulte. L’École de la République a failli.
Et il n’est pas nécessaire d’attendre le rapport final pour affirmer que, oui, beaucoup ont failli : des responsables politiques, des magistrats, des fonctionnaires, des policiers, des enseignants, des représentants de parents d’élèves.
Je ne cherche qu’une chose : établir les responsabilités collectives pour transformer l’action publique. Il ne s’agit pas de se substituer à la justice, mais de mettre fin à l’omerta.
Transparence, vérité, réparation.
Certains voient dans cette commission une tentative pour faire tomber le gouvernement ?
Libre à eux. Je fais confiance à l’exécutif pour répondre, sur le terrain politique, avec la fermeté qui s’impose. Mais qu’on ne perde pas de vue l’essentiel.
Mon seul combat, c’est la vérité.
Comprendre, factuellement, comment notre société a pu laisser faire l’indicible. Et surtout, garantir collectivement que cela n’arrivera plus jamais.