Madame le Maire, chers collègues,
La délibération qui nous est présentée aujourd’hui regroupe l’attribution de subventions aux associations œuvrant principalement sur les secteurs prioritaires de la politique de la Ville, mais aussi d’autres quartiers. Les montants concernés sont conséquents (près de 1,8 millions d’euros pour Lille et Hellemmes, plus de 2 millions d’euros sollicités auprès de l’État et près de 450 000 euros auprès de la Région). Nous voulons saluer tous les acteurs des quartiers qui transforment ces investissements publics majeurs en insertion, lien social, développement durable, solidarité et emploi.
Toutefois, dans un contexte de crise sanitaire, et pour beaucoup, économique et sociale, nous aurions aimé qu’un souffle nouveau beaucoup plus volontariste de la part de la ville marque ces mesures qui ne peuvent être, d’année en année, une simple inflexion de l’existant.
Ce que nous aurions vraiment espéré, c’est un grand plan de relance des quartiers lillois, insistant sur des priorités claires et lisibles.
Notre ville compte en son sein des quartiers parmi les plus pauvres de France et, ces dernières années, avant même la crise sanitaire, les inégalités territoriales entre quartiers ne se sont pas résorbées.
Dans plusieurs quartiers lillois, la spirale négative provoque des phénomènes de repli, voire de communautarisme, nourris par un sentiment d’exclusion et de rejet des institutions.
Il est donc urgent de renforcer les moyens consacrés à l’accompagnement social, éducatif et économique des projets de renouvellement urbain.
A ce titre, nous pouvons nous réjouir que parmi les 260 actions retenues dans la programmation 2021, 64 soient tout de même des actions nouvelles adaptées au contexte actuel difficile.
Mais nous regrettons que seules 3 d’entre elles concernent le développement économique et 5 l’emploi, alors que dans les 5 objectifs principaux énoncés par la ville pour l’examen des projets, ce soutien est mis en tête des priorités.
Pourtant, pour l’emploi des jeunes, il est urgent d’aller plus vite et plus loin ! Il est nécessaire d’accompagner le tissu associatif à saisir les nouvelles opportunités du plan national “1 jeune 1 solution”, lancé en 2020, qui vise à offrir une solution à chaque jeune. Il mobilise un ensemble de leviers : aides à l’embauche, formations, accompagnements, aides financières aux jeunes en difficulté, etc. afin de répondre à toutes les situations. Le plan présenté ce soir aurait dû, selon nous, faire un focus fort sur la mise en œuvre dynamique de ce plan à Lille.
Il en va de même pour le nouveau plan d’urgence ESS, issu du Plan de relance, qui représente la feuille de route nationale pour la refondation économique, sociale et écologique ; une enveloppe de 30 M€ supplémentaires vient d’être lancée, avec une attention spécifique portée aux associations-employeurs comptant jusqu’à 10 salariés pour une aide de 5000 à 8000 euros. La ville doit aider les associations à aller chercher cet argent et cela doit se voir dans sa stratégie de la Politique de la Ville !
Sur un tout autre sujet, celui de la prévention de la délinquance, permettez-moi également de nous étonner que seule une action sur les 260 soit classée dans cette priorité : il s’agit d’Angle Intermaide RTVL qui vise à l’accompagnement socio-professionnel de personnes incarcérées ou sortant de prison, et dont les actions ont d’ailleurs été freinées en 2020 du fait de la crise sanitaire. C’est positif pour elle, mais où est ici le soutien aux nombreux acteurs des quartiers qui agissent pour la prévention ? Nous votons ce soir les subventions dans le cadre du CLSPD, certes, mais comment lire la priorisation et la cohérence de ces tableaux, au regard des priorités de la Politique de la Ville ?
Pourtant, les quartiers concernés sont gangrénés par le trafic de stupéfiants et l’insécurité au quotidien.
Entre les meurtres de ces derniers mois à Wazemmes, chemin des Broutteux à Lille-Sud, à la résidence du Lion d’Or de Saint-Maurice Pellevoisin, quartier habituellement plus épargné, et le quotidien rendu invivable à la résidence de la Filature à Moulins, point n’est besoin de forcer le trait pour constater l’ampleur du malaise.
Enfin, sur un sujet d’actualité, celui du respect de la laïcité, de l’éducation civique et de la lutte contre les séparatismes, là aussi, nous aurions souhaité une délibération forte et engagée, avec un véritable plan d’action, qui propose des engagements mutuels avec le tissu associatif subventionné. Nous souhaitons à ce titre insister sur l’importance de la bonne formation des adultes-relais et des intervenants dans les professionnels du tissu associatif, qui constituent une pièce importante du dispositif. Une vigilance particulière s’impose notamment quant à leur fermeté nécessaire sur les valeurs de la République et pour assurer l’égalité femmes-hommes.
S’agissant de la concertation avec les habitants et notamment des conseils de quartier, nous souhaiterions qu’elle ait lieu plus en amont, le dispositif actuel consistant davantage en une simple présentation des actions avec très peu de temps permettant aux conseillers de les étudier et d’accompagner les associations qui en ont le plus besoin.
Enfin, dans un contexte où l’éducation joue, plus que jamais, un rôle primordial dans la lutte contre les inégalités, nous tenons à rappeler que Lille-Sud bénéficie du label national “Cité éducative”, qui permet d’accompagner le jeune public de son territoire, du plus jeune âge jusqu’à 25 ans, et de bénéficier de fonds spécifiques, dans un dispositif piloté par les principaux de collèges et des représentants de la ville et de la préfecture. Là aussi, une lecture des actions ciblées sur ce Label aurait permis de mieux faire comprendre vos priorités.
Au passage, je me permets donc de repréciser que je ne partage pas les critiques de ma collègue Faustine Balmelle : La politique de la ville, a été choisir comme chantier prioritaire de la fin du quinquennat : c’est le message transmis par Jean Castex le 29 janvier, à l’occasion du conseil interministériel des villes qu’il présidait, entouré de six ministres. L’occasion d’annoncer le déblocage de 2,3 milliards pour de nouvelles mesures, en complément du milliard d’euros déjà promis pour les quartiers prioritaires dans le cadre du plan de relance.
En conclusion, et compte-tenu de ces remarques, nous voterons cette délibération mais appelons, pour la suite, à des inflexions permettant une approche plus volontariste sur les points évoqués.
Violette Spillebout