COMMUNIQUÉSLILLE

Lettre ouverte à Martine Aubry sur le logement

Ma lettre ouverte en réponse à Martine Aubry :

Madame Martine AUBRY
Hôtel de Ville – Lille

Lille, le 8 février 2023 

Madame le Maire,

J’ai pris connaissance de la lettre ouverte que vous avez co-signée, à l’attention du Premier ministre Gabriel Attal, dans laquelle vous exprimez, avec d’autres maires de grandes villes françaises, votre inquiétude quant à la politique de logement. Vous y indiquez voir dans les annonces de la déclaration de politique générale “un renoncement majeur à la politique de production du logement social”. 

Je suis convaincue que vous avez raison sur un point soulevé dans votre courrier : “La lutte contre les fractures sociales et géographiques, dans une France déjà pleinement urbanisée, est un combat qui s’inscrit dans le temps long et pour lequel des efforts massifs doivent être continuellement déployés”. Nous vivons depuis quelques années une véritable crise du logement, et les différentes actions nationales mises en place depuis 7 ans, ne suffisent pas pour le moment à relancer une véritable dynamique de construction et à résorber la masse de demandes de logement en attente. Nous devons collectivement aller plus loin, en travaillant main dans la main, et au plus près des professionnels de la construction et de l’habitat. 

En revanche, je ne crois pas que ce soit en dénigrant la volonté du Gouvernement, de “faire évoluer le monde du logement social, en revisitant la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU)”, ni en opposant les Maires à l’Etat, que nous trouverons des solutions efficaces.

En effet, cette crise est multifactorielle et vous en portez aussi, au plan local, une part de responsabilité. Vous êtes vous-même Vice-Présidente de la Métropole Européenne de Lille, qui a été récemment rappelée à l’ordre sur le manque d’efficacité dans la mise en œuvre de son plan pour l’habitat. Ce nouveau Programme Local de l’Habitat (PLH) de la Métropole Européenne de Lille (MEL) a été adopté par le Conseil métropolitain en juin 2022 puis modifié suite aux avis des communes, pour un vote définitif il y a un an, en février 2023. Les ambitions du PLH 2022-2028 sont fortes : 43 400 logements neufs et 57 000 rénovés entre 2022 et 2028. Un budget de 100 millions d’euros par an entre 2022 et 2028 est alloué pour concrétiser les ambitions du territoire.

Pourtant, en octobre 2023, le Préfet du Nord ayant participé à la revue de projet Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), a pu prendre connaissance du déploiement des chantiers sur la MEL, et a mis en exergue des difficultés majeures concernant deux sujets métropolitains : la reconstitution de l’offre après les démolitions, et le relogement des habitants. Il a, dans son courrier de novembre 2023, rappelé à l’ordre la MEL sur son incapacité à reconstituer l’intégralité de l’offre démolie et sur un rythme de relogement des ménages nettement insuffisant. Les démolitions vont trop vite, et les plans stratégiques de relogement ne sont pas respectés, arrivant au 1er octobre 2023 à 55% d’avancement, ce qui est bien en dessous des autres communautés urbaines ou d’agglomération dans le Nord, comme Dunkerque, Valenciennes et Maubeuge, qui atteignent des taux supérieurs à 70%. 

Je crois donc que le message adressé à la Maire de Lille, ville centre de la métropole, était extrêmement clair : accélérer le relogement et la reconstitution de l’offre grâce à un portage politique plus fort de la MEL, réaliser les opérations contractualisées avec l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) avant de redemander des subventions, et surtout procéder à la redéfinition d’une partie des programmes de rénovation urbaine en priorisant les opérations et en abandonnant certaines démolitions de logements. Je serai donc très attentive à la traduction de ces recommandations à Lille, où de grands projets de démolition-reconstruction sont en cours, à Faubourg de Béthune, ou encore à Bois-Blancs.

Par ailleurs, je tiens à vous rappeler les actions engagées au niveau national, à l’heure où des milliers de personnes, notamment des enfants, sont victimes de sans-abrisme. La majorité présidentielle prend ses responsabilités et agit en faisant du logement la première de ses batailles. La dignité, l’humanité et l’efficacité : c’est le triptyque qui guide son action politique en la matière.

Depuis 2017, la France mène une politique volontariste jamais égalée par nos voisins européens. Elle consacre des moyens d’ampleur à la lutte contre le sans-abrisme avec un budget de trois milliards d’euros par an. Depuis 2021, l’État a également repris en main le pilotage de cette politique publique afin de renforcer et fluidifier sa capacité d’action de proximité. Des actions qui sont menées main dans la main avec les associations, les collectivités et tous les acteurs impliqués dans les politiques de lutte contre la précarité et en faveur de l’inclusion sociale. Je sais que les services de la Mairie de Lille sont largement impliqués dans ce partenariat.

Le Gouvernement, en 2023, a financé 203 000 places d’hébergement d’urgence, un nombre qui a plus que doublé en dix ans. Le 8 janvier dernier, une enveloppe de 120 millions d’euros a également été annoncée pour ouvrir 10 000 places d’accueil supplémentaires pour les publics les plus vulnérables. En complément, dans le projet de loi de finances pour 2024, nous avons adopté 2,9 milliards d’euros de crédits de paiement dédiés à la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes mal logées ou sans abri, soit une hausse de 75 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Des moyens significatifs pour stimuler la production de logement social et poursuivre les efforts.

Pour l’action de plus long terme, le Premier Ministre l’a rappelé dans sa déclaration de politique générale : la crise du logement en France, comme dans d’autres pays européens, est la fois une crise de l’offre et de la demande.

Fort de ce constat, le seul remède est de prendre des mesures rapides, qui se traduisent par cinq actions phares : simplifier massivement les normes (revoir les diagnostics énergétiques DPE, simplifier l’accès à MaPrimeRénov, faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage, accélérer les procédures), inciter à la construction de logements neufs en désignant 20 territoires engagés pour le logement avec comme objectif d’y créer 30 000 nouveaux logements d’ici 3 ans, remettre de manière volontariste sur le marché immobilier les logements vacants en réquisitionnant des bâtiments vides, notamment des bâtiments de bureaux, et enfin, continuer à soutenir le monde du logement social, avec notamment un nouveau prêt de très long terme : 2 milliards d’euros, distribués par la Banque des Territoires. 

Mon collègue député, Daniel Labaronne, a par ailleurs proposé de nombreuses mesures actuellement à l’étude pour résorber durablement la crise du logement, qui pourraient être déployées progressivement sur nos territoires, et donc dans la métropole lilloise : pour faire du logement intermédiaire, dédié aux classes moyennes, une priorité, en intégrant dans le quota SRU de 25% de logement social, les logements intermédiaires, les dispositifs fiscaux du logement intermédiaire seront ouverts à de nouvelles communes en zone B2,  l’épargne des particuliers sera orientée vers le logement intermédiaire, la formule du bail réel solidaire (BRS) sera simplifiée, pour accéder à la propriété à des prix de 30 à 50 % plus faibles que ceux du marché.

Vous le constaterez, c’est par l’action unie du Gouvernement, des parlementaires, des préfets, des maires, et des professionnels, que nous réussirons à trouver des solutions pour résorber la crise du logement. Des maires qui tous, sont concernés par des normes à simplifier, souvent contradictoires, et des décrets d’application trop complexes à interpréter. 

Je suis à leur écoute, et à votre écoute, Madame le Maire, pour avancer sur ces sujets majeurs pour les Lillois, les Lommois et les Hellemmois.

Je vous prie de croire, Madame le Maire, en mes salutations distinguées.

Conseillère Municipale de Lille
Députée du Nord

Copies : 
Monsieur le Préfet du Nord
Monsieur le Président de la MEL