TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Ma proposition de loi pour restaurer la confiance des citoyens envers les médias

J’ai déposé ce jour une proposition de loi (PPL) portant sur la protection de la presse et de l’information, cosignée avec mon collègue Jérémie Patrier-Leitus. 

La défense de la liberté de la presse est au cœur de mes préoccupations et de mes actions depuis ma première élection à l’Assemblée Nationale en juin 2022. 

À la suite des inquiétudes et à l’indignation exprimées par les salariés du JDD lors la nomination d’un nouveau directeur de la rédaction, je suis allée à leur rencontre pour entendre leurs inquiétudes et manifester mon attachement à l’indépendance des médias.  

Après une première mission parlementaire sur l’éducation aux médias, j’ai réalisé, avec un groupe de députés, un cycle d’auditions pendant plus de 6 mois, qui a abouti à la rédaction d’un Livre Blanc de 100 propositions, que nous avons versé en juin 2024 en tant que contribution aux États Généraux de l’Information voulus par le chef de l’État. 

Tous les sujets clés y sont abordés : le défi posé par la concentration des médias ; la nécessité de garantir au mieux l’indépendance vis-à-vis de leurs actionnaires ; un arsenal de mesures plus efficaces pour préserver les rédactions des pressions politiques ou économiques ; la question essentielle de la pluralité des médias et de la diversité de leurs lignes éditoriales ; la nécessité de mieux protéger journalistes et lanceurs d’alerte ; les enjeux de déontologie et de confiance. 

Protection des journalistes

Parmi les 100 propositions concrètes que nous avons formulées, quelques unes sont marquantes pour protéger le métier de journaliste : donner une place de droit aux sociétés de journalistes au sein du conseil d’administration de leur média ; renforcer la protection des sources en définissant précisément les procédures-bâillons ; faire évoluer la règle sur la concentration locale des médias en s’appuyant sur l’Arcom  ; développer la transparence, notamment avec la publicité des détentions capitalistiques des médias ; renforcer la procédure de négociation des droits voisins avec la garantie d’une part « appropriée  et équitable » de leur rémunération aux journalistes. Ces exemples traduisent notre volonté d’agir enfin et d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux. 

Si ce livre blanc comprend nombre de recommandations pour protéger la liberté et l’indépendance de la presse, il pose également la question de la nécessité de renforcer son lien de confiance avec les citoyens. La crise économique du secteur entraîne parfois une surenchère dans le sensationnel qui altère la fiabilité de certaines informations, moins recoupées, moins relues, publiées plus rapidement et avec des titres racoleurs, ne reflétant pas toujours le contenu des articles eux-mêmes. Cette course à l’info, aux clics, aux buzz, suscite le désarroi dans certaines rédactions, où les garde-fous disparaissent. Ces préoccupations éthiques sont exprimées en premier lieu par les journalistes eux-mêmes, qui sont, dans leur écrasante majorité, viscéralement attachés à leur intégrité comme aux règles déontologiques de leur profession. Ils sont bien souvent les plus critiques à l’encontre des dérives susceptibles d’entacher l’image des médias.  

Renforcement des pratiques déontologiques

Le Livre Blanc et la PPL qui en est issue formulent donc également des propositions pour renforcer la déontologie, promouvoir la lutte contre la désinformation à l’ère numérique et mieux encadrer l’utilisation et l’impact de l’intelligence artificielle générative ou le référencement des contenus sur Internet.  La prolifération des fake news et des sites de propagande compliquent la tâche des journalistes, qui doivent non seulement informer, mais aussi debunker les fausses informations, c’est-à-dire les démentir. Cette mission est vitale pour la sincérité du débat démocratique et l’information éclairée du public. La PPL prévoit d’étendre la qualité de “société à mission” aux entreprises d’information, impose la mise en place de chartes déontologiques, la généralisation des comités d’éthique et la modification de leur mode de désignation, et met en place une déclaration préventive de conflit d’intérêts au sein des rédactions ; toutes ces mesures ont pour objectif de renforcer les règles éthiques des médias. Au-delà de tout corporatisme, le secteur de l’information doit aussi se protéger de ses propres dérives, en accentuant ses exigences morales, notamment par une plus grande transparence et des garanties plus fortes contre les conflits d’intérêts. 

C’est sur ce point qu’il est nécessaire de bien expliquer ma préoccupation, car mon expérience personnelle et professionnelle m’encourage à approfondir ce sujet délicat de la qualité du travail des journalistes, et à oser briser un sujet encore parfois tabou, ou pour le moins souvent corporatiste et auto-protecteur à court terme, mais dont les dérives sont délétères à plus long terme pour le métier. Le sujet de la déontologie, qui est déjà abordé au sein des rédactions, parfois encore timidement, ne doit pas être occulté du débat. J’ose d’autant plus aborder ce point que le niveau d’exigence morale, de transparence, d’éthique, est poussé à son maximum pour les personnalités politiques.

Oui, l’immense majorité des médias et des journalistes sont intègres, rigoureux et indépendants. Je suis aux côtés de tous ceux-là. Je travaille avec quasiment l’ensemble des médias, j’ai le plus grand respect pour cette profession, pilier de notre démocratie, et leur combat pour la liberté est le mien. Opposer liberté et déontologie serait une grave erreur.  La liberté de la presse n’autorise pas le mensonge, la calomnie, la diffamation. Régulièrement, des médias sont obligés de débunker de fausses informations publiées ou énoncées par d’autres médias mainstream. J’ai en souvenir l’exemple très récent de Libération qui consacre un article pour rétablir la vérité suite à celui de l’Humanité, sur Anne genetet. Car il en va de la confiance des lecteurs à l’égard de l’information en général. Cette confiance est la clé de voûte de tout le système. 

Notre presse peut s’enorgueillir de la diversité de ses opinions, le débat est riche, intense et doit absolument le demeurer. En revanche, la désinformation doit être systématiquement dénoncée et ce combat-là n’est pas à armes égales. L’honneur de Dominique Baudis avait été piétiné dans une affaire de sinistre mémoire. Une parmi d’autres. Lui a pu se défendre publiquement contrairement à ces citoyens dont la présomption d’innocence est bafouée ou dont la réputation est démolie. Dans tous les cas, le mal est fait. Le droit à l’erreur existe évidemment, mais il convient alors de donner le même retentissement à son démenti. C’est rarement le cas. 

La grande majorité des médias font preuve d’une immense responsabilité. Les plus consciencieux ne redoutent pas de déplaire aux puissants mais de tromper leurs lecteurs. 

D’autres médias, en revanche, se fichent éperdument de la vérité. Ces canards boiteux, qui pratiquent un journalisme de désespoir, pour racoler des lecteurs, s’abritent derrière la notion de liberté pour agir dans l’impunité. Ceux-là publient ou relaient par exemple que le Rivotril a été utilisé en masse pour euthanasier des personnes âgés ou encore que des puissants s’abreuvent du sang de nourrissons. 

A côté de ces délires, d’autres médias, d’autres journalistes, sans scrupule, prudence ou les deux, colportent des boules puantes ou font de la reprise, en republiant et en retitrant avec du sensationnel, des faits contestés, publiés par des tiers et ce, sans avoir vérifié leur véracité. 

Je revendique d’ailleurs pour ma part le droit de ne pas répondre à certains médias. Chaque responsable politique doit demeurer libre de s’adresser à qui bon lui semble. La plupart des élus démocrates boycottent Fox News aux Etats-Unis et de nombreuses personnalités de gauche font de même avec CNews en France. Moi, je me refuse à boycotter par principe un média simplement en raison de sa ligne éditoriale. Je n’ai pas pour ambition que de prêcher les convaincus. En revanche, je refuse de répondre à des journalistes s’ils bafouent à mes yeux toute déontologie.  Un mémo de Bernard Arnault enjoignant ses cadres à ne pas répondre au sujet du groupe à certains médias a fait récemment grand bruit. Que M. Arnault ne souhaite pas lui-même répondre à certains médias ne me choque pas. Les journalistes ont toujours enquêté sur qui ils souhaitaient, souvent sans la collaboration de leur sujet d’enquête. Une presse libre et indépendante ne dépendra jamais de la volonté ou non de M. Arnault de répondre à des questions. En revanche, ce qui pose problème, c’est qu’il impose à ses équipes son choix personnel en menaçant de licenciement. Cela peut largement entraver un travail journalistique, et la liberté de chacun de s’exprimer.

Notre pays a besoin de préserver et renforcer une presse pluraliste et indépendante, qui souffre que certains la boudent. La confiance que la presse doit en revanche conserver à tout prix est celle de ses lecteurs. Mon projet consiste à la fois à renforcer l’indépendance des médias et ce lien de confiance.