Tribune portée par le réseau Elues Locales qui rassemble des femmes engagées dans un mandat politique, de tous bords et de toutes les régions.
Si la campagne #MeToo a permis une large libération de la parole des femmes, celle-ci reste encore trop dépendante du poids médiatique qu’on lui accorde, et n’a pas investi tous les secteurs concernés.
Le milieu politique n’est épargné. Le réseau EluesLocales a recensé des appels le plus souvent isolés, et les a structurés autour de l’enquête #EntenduALaMairie, menée notamment avec l’aide de #NousToutess. Aucune place au doute : sur 350 élues interrogées, 72% déclarent avoir été victimes de sexisme, de harcèlement sexuel et/ou d’agressions !
Des remarques déplacées, des interventions constamment coupées en conseil municipal en passant par les agressions, rien ne leur est épargné. Comme toutes les femmes, les élues subissent les injonctions et attaques liées à leur genre.
Loin d’être des remparts, l’écharpe de maire ou le statut d’élue n’immunisent pas contre les attaques. C’est même parfois un poids supplémentaire, qui peut conduire jusqu’à l’omerta. D’ailleurs, très peu d’entre-elles ont franchi le pas de l’appel à l’aide ou du dépôt de plainte quand c’est nécessaire.
Aujourd’hui, les femmes représentent 240 000 élues locales à travers le pays. Soit un peu moins de la moitié des élus locaux. Une avancée que l’on peut reconnaître aux lois sur la parité, avancée indispensable à l’émergence des femmes en politique.
Pour autant, une fois le cap de l’élection franchie, la discrimination ne cesse pas. Seulement 16% d’entre-elles sont maires et lorsque l’on se penche sur la répartition des délégations, celle-ci reste très genrée : aux femmes la petite enfance, aux hommes les finances…
A l’aube des élections municipales, nous appelons à un changement radical des pratiques du monde politique. Trop de femmes renoncent encore à s’engager dans ce milieu culturellement masculin qu’elles perçoivent, à juste titre, comme leur étant toujours hostile.
En tant que femmes engagées, têtes de liste de surcroît, peu épargnées au fil des années par les attaques sur notre genre, notre manière de nous vêtir, de parler, nos choix de vies, nous nous refusons à voir le sexisme continuer à prendre ses quartiers dans nos collectivités.
Cette discrimination, nous la vivons en tant que femmes. Elle n’a pas de couleur politique, elle est la résultante d’un véritable d’une longue histoire.
Ainsi, nous en appelons d’abord à la sororité, c’est-à-dire à la solidarité entre les femmes. Relevez la tête et défendez-vous les unes les autres. Même si c’est une adversaire qui est attaquée pour la longueur de sa jupe, vous ne pouvez pas laisser passer ces insultes qui n’ont qu’un résultat : l’humilier en tant que femme.
Mais au-delà de cette solidarité, il en va de la responsabilité de chaque élu local – homme ou femme – de reconnaître et de faire cesser le sexisme ordinaire, qui reste malheureusement omniprésent dans le milieu politique.
En 2020, pour toutes les femmes qui ont eu le courage de s’engager pour ces élections municipales, pour des idées, des valeurs et des projets, ne leur faisons pas subir la violente déception d’être constamment ramenées à leur genre.
Au lendemain du scrutin, elles seront élues de la République. Parce qu’elles sont engagées, parce qu’elles font de la politique et c’est pour cela que les citoyens leur auront accordé leur confiance. Comme pour n’importe quel homme, leur apparence, leur âge, etc, n’auront rien à voir avec la pertinence de leurs idées et leur droit de les exprimer.
Pensons à l’après municipales : faisons honneur à notre statut d’hommes et de femmes politiques en traitant enfin chaque élu et élue de la République, à égalité.
J’ai signé cette tribune le 1er mars 2020
le Parisien du 8 mars : Municipales : propos désobligeants, insultes… le sexisme en campagne