Le Tribunal Administratif de Lille a rejeté jeudi 4 mars les recours déposés par Violette Spillebout (LREM) et Stéphane Baly (EELV), les deux adversaires de Martine Aubry au second tour de l’élection municipale du 28 juin dernier. Les deux opposants font appel devant le Conseil d’Etat.
Ce n’est pas une surprise, quand on sait que dans 90% des cas, le Tribunal Administratif suit l’avis du rapporteur public. Celui-ci, Dominique Babski, au cours de l’audience du 18 février dernier, avait demandé le rejet des recours, estimant que le résultat du second tour était « conforme à la volonté des électeurs ». Résultat très serré lors des élections municipales de 2020 : 227 voix d’écart entre Martine Aubry (40%) et Stéphane Baly (39,41%). Violette Spillebout, elle, était arrivée troisième avec 20,58% des suffrages.
Les soupçons de fraude émis par les deux candidats malheureux portaient essentiellement sur des signatures d’électeurs « radicalement différentes » d’un tour à l’autre. Les adversaires de Martine Aubry avaient épluché les cahiers d’émargement de 70 des 130 bureaux de vote disséminés sur le territoire de la ville de Lille. Et ils avaient trouvé 350 signatures litigieuses, un chiffre supérieur aux 227 voix qui avaient permis à la maire sortante de l’emporter. D’où leurs recours.
350 signatures litigieuses selon l’opposition
Mais la justice a fait d’autres comptes. Le rapporteur public n’a relevé que 62 signatures discordantes, plus 6 votes non retenus à tort (votes nuls pourtant valides et retards de procuration). Ce qui réduit à 159 voix l’écart entre Madame Aubry et Monsieur Baly. Pas de quoi invalider l’élection.
Au final, le Tribunal Administratif de Lille, lui, n’a retenu que 48 émargements irréguliers, 4 suffrages déclarés nuls mais pourtant valides et 2 procurations qu’un retard de courrier a privé de vote leurs destinataires. Idem. Pas de quoi invalider l’élection.
Pourquoi un tel écart entre les 350 signatures douteuses relevées par les rivaux de Martine Aubry et les quelques dizaines retenues par la justice ? Parce que le Tribunal a scrupuleusement respecté le droit. Rien que le droit. Il n’a accepté de prendre en compte que les signatures litigieuses constatées cinq jours après la fin du scrutin. C’est la loi.
Le registre du bureau 818 du quartier du Faubourg de Béthune a purement et simplement disparu
Mais ce délai légal, selon Violette Spillebout, était impossible à tenir, en raison de la crise sanitaire. A cause de la Covid et de la durée inhabituelle de l’entre-deux tours, deux cahiers d’émargements ont été utilisés dans les bureaux de vote pour ces élections municipales. Un le 15 mars. Un autre le 28 juin. Ce qui a considérablement compliqué le travail de recherche des opposants. Compliqué, voire impossible. Les Verts ont pu prouver grâce à des mails échangés avec la Préfecture qu’ils n’avaient eu accès aux registres que les jeudi 2 et vendredi 3 juillet 2020. Ce qui ne leur laissait que deux jours pour éplucher des milliers et des milliers de pages ; et noter au passage que l’un de ces registres – celui du premier tour – dans le bureau 818 du quartier du Faubourg de Béthune, a purement et simplement disparu.
Viollette Spillebout regrette que le Tribunal Administratif de Lille « a préféré le respect scrupuleux de la procédure plutôt que l’observation lucide d’une réalité amenée à ses yeux ». La candidate de La République En Marche continue d’affirmer que le scrutin a été « insincère ». Cinglante, elle rappelle à la justice qu’elle se doit « de lutter contre toute forme de fraude, l’usurpation en étant incontestablement la forme la plus grave ». Elle affirme qu’elle va faire appel.
Une décision également prise par le groupe Lille verte (EELV). Dans un communiqué, les membres, dont Stéphane Baly, affirment que « la question de la légitimité de cette élection n’est toujours pas tranchée ».
En revanche, évidemment, Martine Aubry se félicite de la décision du Tribunal Administratif. Dans un communiqué, la maire de Lille fait part de sa « satisfaction immense » et réaffirme « qu’aucune fraude ni aucune manipulation n’a été commise ». Le Conseil d’Etat le confirmera ou le démentira. C’est reparti pour plusieurs mois.