La campagne de Lille prend du relief. L’entrée en lice de l’ancienne collaboratrice de Martine Aubry promet une bataille pimentée, les deux personnalités ne s’apprécient guère. D’ores et déjà, plusieurs conséquences sont à prévoir sur l’échiquier lillois.
Patrick Kanner dans le sillage de Martine Aubry. Désormais, le sénateur socialiste du Nord n’a plus le choix. Nous l’avons déjà analysé. L’ancien ministre de la ville ne peut plus tergiverser et se rangera sous les auspices de son parti. Piquée au vif par le succès son ancienne directrice de cabinet, la maire de Lille doit se ménager le plus de renforts et présenter un front uni autant que faire se peut face à la menace de l’alternance avant de déclarer officiellement sa candidature. L’appui du patron des sénateurs PS et conseiller départemental de Lille d’un canton traditionnellement de gauche, et avec lui ses réseaux militants, lui redonne quelque espoir. Verra-t-on ce dernier à la conférence de rentrée de la maire de Lille dans quelques semaines ?
Gérald Darmanin en perte d’influence. Le « coordinateur » LAREM essuie un revers et il ne croyait plus guère dans les chances de sa candidate qu’il a promue jusqu’au bout. Valérie Petit reste sur le sable et va probablement chercher un refuge…ailleurs si l’on en croit ses propres déclarations teintées d’amertume sinon de ressentiment à l’endroit de son propre parti. Elle qui avait démenti à Dailynord lorgner sur un label Agir-la droite constructive devra peut-être réviser sa position. Même topo pour une autre commune de la métropole lilloise. On avait parlé de Marcq-en-Baroeul – voir DailyNord – où Gérald Darmanin avait assuré le LR Bernard Gérard d’une sorte de non-agression LAREM à condition de garder la main sur cette commune de 40 000 habitants. La conversion surprise d’un adjoint à En Marche a fait des étincelles entre l’ancien député LR et l’ancien maire UMP de Tourcoing et l’histoire n’est décidément pas écrite.
Mais la zone d’influence de Gérald Darmanin s’arrête désormais aux portes de la capitale des Flandres, lui qui aurait voulu agrandir son pré carré et couvrir l’agglomération toute entière. De même sa position au sein du mouvement d’Emmanuel Macron apparait mesurée. Ainsi, en-dehors de Lille, la désignation d’un Christophe Caudron, ex-LR à Lambersart ou d’une Nelly Savio à Wasquehal pour porter la casaque LAREM contre les équipes sortantes. Le coordinateur-arbitre Darmanin a dû partager le pouvoir avec une commission d’investiture évidemment souveraine.
En contrepoint, c’est une forme de revanche pour le Haut-commissaire Christophe Itier, issu de la gauche modérée, collègue au gouvernement de Gérald Darmanin, ancien candidat malheureux aux législatives à Lille, et soutien de Violette Spillebout qui lui avait succédé dans le combat lillois. La rivalité entre les deux hommes qui grondait en coulisses pour les investitures LAREM dans le Nord n’est sûrement pas éteinte (relire notre article). Comme le décode ce maire proche de Violette Spillebout : « Qui tient Lille, tient la métropole ». Pierre Mauroy ne disait pas autre chose.
Explosion de « l’accord » Darmanin-Aubry. C’est le fameux deal de l’été dernier entre la maire de Lille et le ministre de l’action et des comptes publics qui vole en éclats. A lui la MEL, à elle le beffroi, dans une sorte de non-dit prémédité et un peu tarabiscoté. Depuis plusieurs semaines les messages en provenance de l’hôtel de Ville accréditaient un certain refroidissement des relations entre l’ancienne ministre de Jospin et le tourquennois. La séance plénière de la MEL il y a quelques mois quand Darmanin avait essuyé le tir croisé de ses opposants dont celui particulièrement vif de Martine Aubry ne laissait aucun doute sur les intentions de cette dernière. Maintenant c’est bloc En Marche contre bloc PS/Aubry et toute ambiguïté s’est évaporée ce soir. Raison de plus pour Martine Aubry de trouver un accord, solide celui-là, avec Patrick Kanner. Ce n’est plus flou et il n’y a plus de loup, selon l’expression favorite de la maire de Lille.
Les alliances dans le tuyau des reclassements. On songe à EE-LV, fort de ses 22 % aux européennes et qui espère beaucoup de ce scrutin marqué par la thématique écologique. Mais les écolos lillois, rivés à gauche, seront difficiles à convaincre d’entrer dans une plate-forme qui irait du centre gauche au centre droit.
Moins ardu sera un ralliement éventuel du sénateur LR Marc-Philippe Daubresse, en quête éperdue de trajectoire après avoir abandonné sa commune de Lambersart pour cause de cumul. La décrépitude des Républicains et leurs scores maigrichons sur Lille – et ailleurs – incitent à rechercher des locomotives et l’ancien ministre de la ville, en fin de cycle, sait qu’il ne peut plus jouer ce rôle et à déjà posé quelques jalons du côté de LAREM. Il va fêter ses 66 ans dans quelques jours.
Pour l’opposition lilloise emmenée par le divers droite Thierry Pauchet, les choses sont plus claires. Affaiblis par plusieurs défections, coupé en deux avec le président du conseil départemental du Nord Jean-René Lecerf, ex-partisan de…Valérie Petit et anti-Spillebout, Un Autre Lille sait désormais à qui s’adresser pour évoquer l’avenir électoral…et le sien. Reste à savoir qui jouera le rôle de pivot autour duquel s’agrégeront les autres forces.
La liste de Violette Spillebout sera scrutée avec minutie. On sait déjà que le maire de Faches-Thumesnil, l’UDI Nicolas Lebas, s’est rapproché de la candidate En Marche pour y figurer en bonne place (relire notre article). Pour le vice-président du conseil régional, la clarification est nécessaire. Président de l’influente association des maires du Nord, un tel engagement contredit le statut de l’AMN, qui impose une sorte de réserve à ses membres et à leur expression publique. Certains d’entre eux fronçent les sourcils quand on évoque le cas Lebas.
D’autant plus que l’étiquette en Marche n’est pas forcément en grâce à l’AMN (comme de la « grande soeur », l’association des maires de France). Le maire de Faches-Thumesnil qui affiche trois mandats municipaux au compteur trouve ce soir une porte de sortie idéale. Il pourrait retrouver sur le chemin du fauteuil de président de la Métropole européenne de Lille un certain Gérald Darmanin. Deux candidats parmi d’autres.