Pendant la campagne présidentielle que j’ai portée dans le Nord, puis la campagne législative à Lille, j’ai été confrontée à beaucoup de discussions très houleuses avec notamment des jeunes, mais aussi des moins jeunes, sur les sujets d’actualité. Ces discussions étaient alimentées par une désinformation flagrante, véhiculée par les réseaux sociaux. Elle produit souvent les effets d’une propagande simpliste, caricaturale et dangereuse venant de divers horizons, qu’ils soient politiques ou carrément complotistes. Elle représente pour moi un réel danger d’embrigadement de nos jeunes. Mes enfants, les enfants de nos militants, tous en quelque sorte sont influencés, emmenés par un déferlement d’images et de mots hyper- accessibles, hyper-efficaces. De fait, force est de constater sur le terrain que ces outils des réseaux sociaux poussent nos jeunes dans la rue et les éloignent de plus en plus des urnes.
J’ai tiré un constat d’urgence face à cette guerre de l’information. J’ai eu le sentiment de devoir agir très vite pour faire face à la force de cette désinformation numérique, qui touche chacun dans sa vie intime, jour et nuit. Dès mon arrivée à l’Assemblée nationale au sein de la commission affaires culturelles et éducation, j’ai donc sollicité une mission parlementaire sur ce sujet dont je me suis emparée et que j’ai décidé de porter.
Cette mission parlementaire a été menée du 15 novembre 2022 au 15 février 2023. Huit tables rondes ont été menées, réunissant quarante organisations (ministères, institutions, chercheurs, associations, médias). Des rencontres de terrain ont également été effectuées, en priorité dans les Hauts-de-France, où la diversité des territoires couverts par les circonscriptions des députés permet d’apprécier les réalisations et marges de progrès possibles. C’est au total près de cent personnes en quatre mois qui ont été entendues, couvrant un large empan d’interlocuteurs : enseignants, professeurs documentalistes, proviseurs, CLEMI1, associations d’éducation populaire, DRAC, grandes institutions culturelles, rédactions, acteurs de l’audiovisuel et des médias, journalistes indépendants, acteurs associatifs, et bien d’autres encore.
Le format limité d’un mini-rapport remis à l’Assemblée ne permet pas de restituer toute la richesse de la matière première recueillie. Le présent document vient approfondir et nourrir la réflexion qui s’en dégage.
Pour moi, le sentiment d’urgence se décline en trois pans :
– un sentiment d’urgence démocratique, pour maintenir la qualité des débats, l’échange des idées, l’esprit critique, le discernement ;
– un sentiment d’urgence citoyenne, pour préserver l’envie d’engagement, mais aussi la confiance des citoyens dans les institutions et la conscience de l’exercice des responsabilités dans un pays démocratique ;
– un sentiment d’urgence sanitaire face aux phénomènes de dépendance et d’anxiété générés par la désinformation et/ou la surabondance d’images, totalement sans limite, ainsi que face aux risques d’addiction aux réseaux sociaux.
Un défi de taille s’impose à nous : celui de la puissance des réseaux sociaux et des plateformes numériques qui, concentrées, renforcées, parfois « téléguidées », produisent un flux de jour en jour plus addictif et plus puissant, qui souvent embrigade par l’emprise d’une information non fiable et instrumentée. Ce défi s’accélère car la technologie va vite. Les réseaux sociaux se renouvellent et les acteurs, même s’ils s’engagent à faire de l’éducation aux médias, n’y consacrent pas des moyens proportionnés à l’ampleur du danger.
Après ces quatre premiers mois d’études parlementaires, quelques mesures, répertoriées ici, se dégagent déjà. Il y a urgence d’agir face au déferlement d’informations trompeuses qui inondent les jeunes et les populations sensibles aux fake news. Or la puissance des réseaux sociaux et des plateformes, leur modèle addictif, leur force financière rend l’impact des actions actuelles d’éducation aux médias et à l’information très marginal. Il y a urgence à passer à la vitesse supérieure, par une politique publique concertée, ambitieuse, budgétée, massive, efficace pour favoriser l’esprit critique et le discernement, pour transformer chacun en véritable fantassin de l’information. Toutes les menaces, malveillantes, extrémistes ou belliqueuses, qui pèsent sur nos démocraties, nous forcent à réaliser l’importance de former tous les citoyens au bon usage de l’information sur Internet, au discernement et à l’esprit critique, de les stimuler à l’engagement et à la citoyenneté. L’Éducation aux médias et à l’information, EMI, peut et doit participer à la baisse de l’abstention qui menace nos démocraties. Elle peut et doit contribuer à retisser le lien entre le citoyen, la politique, et plus généralement la chose publique. Elle peut et doit rétablir la confiance réciproque.
Les résultats de la mission flash ont été présentés devant l’Assemblée nationale le 15 février 2023. Ils ont été restitués aux Assises du Journalisme de Tours 2023. Dorénavant, mes objectifs sont de contribuer au lancement et à la conception des États Généraux de l’Information (sur le pilier EMI), puis de participer activement en tant que Parlementaire-relais sur les autres piliers : qualité de l’information, innovations technologiques, ingérence étrangère, modèle économique, concentration, publicité et régulation, statut du journaliste. Comme ce bilan le montre, il y a une véritable nécessité de « sédimenter » les valeurs du journalisme : la véracité, les faits, l’authenticité, la confrontation des opinions, la liberté d’expression, et d’y faire inscrire l’impérieuse nécessité de former les populations au discernement et à l’esprit critique. Je propose de mettre ces réflexions au service des États Généraux de l’information, en animant un groupe parlementaire pluraliste, qui permette de nourrir le comité de pilotage des États Généraux de l’Information. Le but : obtenir des avancées législatives sur la sécurisation et le rôle de la presse française, et amener des améliorations relatives à l’implication de tous les acteurs, pédagogues, intervenants, journalistes, professionnels des médias… dans l’EMI sur les territoires.
Nous vous devons une politique d’éducation aux médias et à l’information efficace, palpable, évaluée, qui entre au cœur de chaque famille française pour préserver son intégrité, son libre arbitre, son discernement et sa santé mentale, tout au long de la vie et à la hauteur des nouveaux défis du numérique. Je m’y engage avec force et conviction.
Violette Spillebout a été successivement chargée de mission « communication, projets innovants et tourisme » au Cabinet du Maire de Lille, puis Cheffe de Cabinet et enfin Directrice de Cabinet du Maire de Lille.
De 2013 à 2022, elle a exercé des postes à responsabilité à la SNCF : directrice des Affaires Territoriales, directrice des relations publiques Voyages SNCF, directrice des Situations Sensibles, et enfin Adjointe au Directeur des Ressources Humaines.
Depuis 2020, elle est conseillère municipale de Lille pour le groupe Faire Respirer Lille, et conseillère de la métropole européenne de Lille.
Élue Députée de la 9ème circonscription du Nord en juin 2022, elle est membre de la Commission des Affaires Culturelles et porte-parole du groupe Renaissance.
36 Propositions EMI Sommaire – Lettre d’engagement de Violette Spillebout – Avant-propos de Sylvie Merviel – Introduction – Pourquoi ? – Quoi ? – Qui ? – Où et Quand ? – Comment ? – Combien ? – Conclusion – Synthèse des 36 propositions – Glossaire – La Mission Flash