Conclusions

Pour conclure, si beaucoup a été fait en France en matière d’éducation aux médias, montée en puissance et structuration pourraient bien être aujourd’hui les deux mots d’ordre pour garantir sa pleine efficacité. Le déploiement possible du service national universel à tous les jeunes pourrait ainsi nous amener à imaginer de nouveaux outils pour garantir à chacun un socle minimal en cette matière.

Nous avons montré que l’EMI peut se déployer sur beaucoup de champs d’action, non priorisés :

  • comment se fabrique l’information : visites de rédactions, ateliers ;
  • comment développer son esprit critique : approche des sciences et de la rationalité ;
  • compréhension des réseaux sociaux, des algorithmes, des biais cognitifs et des outils d’indexation ;
  • fact checking, vérification des sources, repérage des fake news ;
  • création d’un média, regard sur l’actualité ;
  • sécurité pour naviguer sur internet, prévention des escroqueries ;
  • prévention de l’embrigadement et des dérives sectaires ;
  • mais aussi lutte contre la fracture numérique, contre l’infobésité, prévention de l’anxiété liée à la surinformation, prévention de la dépendance …

Loin d’exiger l’uniformisation, nous proposons la mise en place de socles de niveaux co-construits, qui doit permettre la capitalisation des connaissances et des compétences requises.

De nombreux acteurs sont impliqués, pas tous reconnus et valorisés :

  • documentalistes ;
  • professeurs d’histoire, de santé, de sciences… ;
  • journalistes indépendants, membres d’associations ou envoyés par leurs rédactions ;
  • photographes ou dessinateurs de presse ;
  • bibliothécaires ;
  • animateurs socio-culturels ;
  • influenceurs…


Ils sont tous très motivés et partagent un sentiment d’urgence et d’utilité sociale. Mais leur liste à la Prévert montre une disparité forte des acteurs, sans coordination, sans partage de connaissances, sans évaluation de niveau. Les formations sont très nombreuses, peu connues, de niveaux variables. Elles sont en outre organisées en silos étanches, sans transversalité et sans partage : par exemple, la BPI anime le réseau des bibliothécaires publics, mais leurs formations ne sont pas diffusées à d’autres métiers (documentalistes notamment).

On voit que pour toucher les publics les plus sensibles à la désinformation, les exemples qui fonctionnent bien se basent sur l’implication des collectivités territoriales notamment communes et départements, qui déploient des médiateurs sur le terrain, qui vont chercher les publics : familles, assistants maternels, animateurs, seniors, personnes isolées. Le dernier quinquennat a vu se développer des Conseillers Numériques dans les Maisons France Service mais aussi dans les structures des territoires, en contractualisation territoriale. Leurs compétences sont limitées à la maîtrise des outils, on pourrait aller plus loin sur les dangers du net et la désinformation. On voit aussi des acteurs se qualifier en EMI dans le domaine de la justice (pénitentiaire) et de la prévention de la délinquance (PJJ, clubs de prévention). C’est un domaine d’action supplémentaire à identifier.

Il existe aujourd’hui de nombreux outils peu coordonnés :

  • les résidences de journalistes (appel à projet DRAC ou Contrats de ville, partenariat école-Journalisme) ;
  • les ateliers sur mesure de production de média proposés par des associations de journalistes ;
  • les jeux numériques créés par les plateformes ou les médias eux-mêmes, ou par des associations ;
  • les jeux physiques conçus par la BPI, BNF, ou autres acteurs ;
  • les ateliers radio ou télé, les web-radios dans les écoles ;
  • les visites de rédactions ;
  • les collèges médias ;
  • la création de médias certifiés par les influenceurs reconnus (Hugo Décrypte, Gaspar G)…

Beaucoup d’acteurs n’ont pas connaissance des outils disponibles pour se former ou pour animer des ateliers, il n’y a pas de lieu de présentation et de partage des outils pédagogiques, voire d’évaluation et de ciblage de leur impact.

Les chiffres de participation à La Semaine de la presse et des médias à l’École sont parlants. Les médias sont pour la plupart massivement investis. Il y a beaucoup d’implication, et beaucoup de participants, c’est incontestable. Mais cela reste malheureusement une goutte d’eau relativement au nombre de jeunes scolarisés à l’instant T. Il faut retenir néanmoins que l’organisation de grands moments collectifs catalyse la mobilisation.

Les ressources et bonnes volontés existent, les actions aussi, mais les réseaux et les ressources restent à organiser et les bonnes volontés à coordonner pour atteindre collectivement les objectifs partagés. Comme l’indique Reporters sans Frontières : « il s’agit de passer du volontariat à l’égalité sociale ». Il s’agit aussi de passer d’un saupoudrage non évalué à une véritable politique publique à la hauteur des défis de l’information à l’ère numérique.

En touchant à de nombreux sujets annexes (comme la parentalité à l’aune du numérique, le rôle des plateformes dans la société, l’inclusion et le vivre-ensemble), le sujet de l’éducation aux médias nécessitera évidemment des réflexions ultérieures et un travail approfondi. Ceci n’est rien d’autre qu’un premier état des lieux à la faveur de la mission Flash de l’Assemblée nationale et du tour de piste qu’elle a rendu possible. Assises du Journalisme, États Généraux de l’Information, certaines dates jalonnent déjà la suite à lui donner, en cohérence avec les travaux parlementaires déjà en cours à l’Assemblée nationale ou à venir.

Le chantier est ouvert.


36 Propositions EMI SommaireLettre d’engagement de Violette SpilleboutAvant-propos de Sylvie MervielIntroductionPourquoi ?Quoi ?Qui ?Où et Quand ?Comment ?Combien ?ConclusionSynthèse des 36 propositionsGlossaireLa Mission Flash

10 avril 2023