Les enjeux citoyens
Rappelons ce chiffre alarmant : 29% des Français pensent que les élections sont faussées (sondage Harris- Challenge réalisé en octobre 2021). Nous ne pouvons pas nous y résoudre. Le premier chapitre a montré que toute la population est concernée. Les enfants sont les premiers à protéger, bien sûr. Mais ce sont loin d’être les seuls.
De nombreux interlocuteurs ont convergé sur cette préconisation : il faut que l’EMI soit présente à toutes les heures du jour (scolaire et parascolaire) et tout au long de la vie, tous âges confondus.
Esprit critique
L’enjeu national est de rendre chaque citoyen capable, tout au long de sa vie et pas seulement à l’école, d’exercer son esprit critique, adjectif essentiel dans l’intitulé de la mission parlementaire de départ, comme l’ont souligné nombre d’interlocuteurs auditionnés. Nathalie Sonnac, Présidente du Conseil d’Orientation et de Performance (COP) du CLEMI (Centre de Liaison pour l’Éducation aux Médias et à l’Information), en souligne les points-clefs : « Savoir distinguer les faits de leurs interprétations. Savoir ce qu’est-ce une info. Ce qu’est une info vérifiée ? Et comment lutter contre la désinformation ? Comprendre la fabrique et la diffusion de l’information. C’est cette éducation critique qu’il s’agit aujourd’hui de renforcer. Il faut réellement rajouter l’esprit critique dans l’EMI ».
Chaque citoyen doit être éduqué aux médias et à l’information et posséder l’esprit critique nécessaire pour s’informer de manière autonome. C’est une culture partagée, sociale et citoyenne, qu’il faut instaurer en tant que telle. Et ce sont les personnes les plus vulnérables qui en ont le plus besoin.
Proposition 4 : Veiller à ce que les cibles les plus vulnérables soient touchées par l’éveil à l’esprit critique.
D’ailleurs, le ministère de la Culture mentionne au cours de l’entretien que les personnes les plus éloignées de l’offre culturelle sont aussi les plus éloignées d’un esprit critique. Mais il faut en même temps faire attention à ne pas stéréotyper le regard porté sur les médias par les acteurs de l’EMI eux-mêmes. L’APEM (Association Pour l’Éducation aux Médias) par exemple met en garde contre un a priori négatif sur les médias, y compris dans les démarches de médiation et d’EMI, ce qui pourrait renforcer les thèses complotistes, et donc être finalement contreproductif. Comme le soulignent Thomas Huchon et Jean-Bernard Schmidt46, le complotisme a son vocabulaire très repérable, au sein duquel figure en bonne place le terme merdia. Péjoratif et stigmatisant, il désigne un soi-disant complot médiatique complice de ceux qui dirigeraient le monde en secret, rendant les médias systématiquement menteurs et manipulateurs. Dans le même esprit, l’association Reporters sans Frontières estime que l’on ferait plutôt face à un excès d’esprit critique aujourd’hui. Il serait peut-être plus juste de penser que l’on est face à un excès de défiance, mais justement sans discernement en l’absence d’un véritable esprit critique pour faire la part des choses. Car l’esprit critique ne consiste pas à douter de tout par principe et sans distinction – forme de doute généralisé souvent revendiqué par la propagande conspirationniste. L’esprit critique permet au contraire de pouvoir s’appuyer avec assurance sur un état de la connaissance, des savoirs et de l’information qui fournit les critères pour distinguer le vrai du faux.
L’APEM (Association pour l’éducation aux médias) souligne que, dans le cadre propre aux médias, l’esprit critique prend un visage très concret. Car on y observe un mélange de contenus de divers types qui sont tous placés sur un même plan (divertissement, info, jeux, parodie) : l’actualité est abaissée au même niveau que la promotion ou le divertissement. Or elle ne répond pas aux mêmes règles, objectifs, fonctions. L’acquisition d’un esprit critique se doit d’aider le jeune public à naviguer de manière autonome. De la même manière, culpabiliser les jeunes pour leur usage des réseaux sociaux peut se révéler contre-productif et va contre le sens de l’Histoire. Diaboliser les médias sans distinction n’est pas pertinent non plus. Là où la presse ne peut exercer librement son travail en Iran, ce sont les réseaux sociaux qui informent le monde sur les manifestations de la population contre la dictature idéologique des Mollahs en permettant la diffusion d’images qu’on ne voyait pas lors des soulèvements précédents. La baisse d’attention et le risque d’ultra-simplification de la pensée peuvent être compensées par un usage plus étendu des contenus de presse écrite. Ils renforcent le degré de concentration de l’usager, l’habituent à canaliser son attention plus longtemps et l’exposent aux nuances de l’argumentation. Des valeurs essentielles pour aiguiser l’esprit critique.
Failles rationnelles
Les diverses définitions de l’esprit critique convergent vers la capacité à évaluer correctement les contenus et les sources d’information afin de mieux juger, raisonner, décider, agir. « Evaluer la qualité épistémique d’une information consiste à déterminer si l’information a de bonnes chances de correspondre à la réalité, donc si elle mérite notre confiance. Nous pouvons donc définir l’esprit critique comme la capacité à faire confiance à bon escient, après évaluation de la qualité des informations, opinions, connaissances à notre disposition, y compris les nôtres47 ». Par rebond, comprendre les altérations du raisonnement et les répertorier ne peut que conforter le développement de l’esprit critique.
Proposition 31 : Repérer et cartographier les difficultés cognitives et les biais de raisonnement.
Les travaux scientifiques ont montré que la compétence à la discrimination de l’information est une prédisposition de l’être humain, déjà repérable chez les enfants en bas âge. Malheureusement, ces dispositifs performants qui nous permettent de détecter les sources peu fiables sont mis en défaut par les dispositifs numériques dont les algorithmes sont programmés pour exploiter les failles de notre système de vigilance. L’étude approfondie de nos mécanismes cognitifs, via des travaux scientifiques pointus, est un préalable à l’apprentissage du jugement éclairé.
Affaiblir l’emprise des biais cognitifs
Les réseaux sociaux s’appuient sur deux biais majeurs déjà signalés. Tout d’abord l’influence néfaste que peuvent exercer les « métriques sociales ». Celles-ci prêtent à confusion et peuvent conduire à ne pas distinguer entre un contenu populaire (nombre de vues, de partages, de commentaires et de likes) et un contenu pertinent, qui sera d’autant moins populaire qu’il est expert et documenté. Il s’agit du biais de popularité. Le deuxième est lié à la bulle de consensus dans laquelle enferme la recommandation algorithmique, présentée au chapitre 1. Celle-ci conduit à penser qu’une opinion minoritaire ou marginale est dominante, car les seuls posts reçus vont tous dans le même sens. Ce consensus illusoire résulte du biais de renforcement. Favoriser l’esprit critique passe par le désamorçage de ces deux biais, actuellement dominants sur les réseaux sociaux. Dans cette optique, nous reprenons l’une des recommandations du rapport Bronner, dans une formulation très simplifiée.
Proposition 32 : Lutter contre les biais de popularité et de renforcement.
Intégrer les enjeux de parentalité
Il faut former aussi les parents. Agir sur la parentalité en lien avec les Fédérations de Parents d’élèves, les centres sociaux, les MJC49… est essentiel.
« Il faudrait former les parents aussi, qu’ils viennent faire de la prévention avec leurs enfants ».
Verbatim, audition n°3.
Car les jeunes ne sont pas les seuls à diffuser de la fausse information, loin de là. Comme le rappelait Nathalie Sonnac : « beaucoup d’adultes sont aussi susceptibles de le faire, de nombreuses fois, et souvent sans le savoir ». L’association de journalistes Entre les lignes confirme que les parents sont les publics les plus difficiles à toucher, alors qu’il est très fructueux de les intégrer aux processus d’EMI. Cela aide notamment quand les enfants souffrent de conflits de loyauté entre professeurs et famille.
Proposition 15 : Fédérer les acteurs du champ éducatif et social autour des enjeux de parentalité numérique et de sensibilisation des seniors à l’EMI.
La fédération des centres sociaux indique que sa mission est d’accompagner les parents en tant que premiers éducateurs de leurs enfants. Les parents sont souvent perdus car chaque génération a ses propres médias d’informations, et souvent ils ne savent pas comment accompagner les enfants dans l’usage de ces nouvelles sources numériques. En termes d’action, la revue « famille éducation » consacre des articles à ce sujet. Des ateliers où interviennent des journalistes parents d’élèves sont organisés avec les familles autour de la véracité de l’information, afin de sensibiliser tôt, dès le primaire avec des enfants qui sont des éponges de l’information. Il faut les sensibiliser sur les informations disponibles sur les réseaux sociaux. Les outils proposés par le CLEMI sont aussi mobilisés et c’est au niveau local que se font ces diverses actions au plus proche des différents territoires.
Le MIL pour tous et tout le temps
Quid de nos aînés, ou plutôt des générations de proches plus âgés, des grands-parents ? Les jeunes ne sont pas les seuls impliqués, les seniors doivent aussi être éduqués aux médias : ils sont les premiers à relayer les fake news. Les médias relaient cette idée (Reporters sans Frontière par exemple) : l’éducation critique doit aussi s’adresser aux seniors. Le groupe France Télévisions met en avant une étude montrant que sur Facebook, les seniors diffusent jusqu’à 7 fois plus de fausses informations que les 18-29 ans51. Si les familles – au sens élargi du terme – qui entourent et accompagnent les jeunes sont les cibles prioritaires, tous les membres de la société sont concernés, fussent-ils âgés, solitaires, isolés et sans famille.
Plus largement, insistons sur la nécessité de développer et valoriser l’EMI non seulement sur tous les temps du jour pour les élèves – temps scolaire et parascolaire –, mais sur tous les temps de la vie. Cela permet de proposer des approches complémentaires et répétées. C’est un point crucial : l’éducation aux médias touche tous les publics. Les jeunes, nous l’avons vu, mais également les parents, souvent désarmés face aux nouveaux outils numériques et aux usages qu’en font leurs enfants. Les personnes âgées ne sont pas en reste, et ont de véritables besoins pour ne pas sombrer ni dans l’illectronisme, ni dans la propagation, volontaire ou non, des fausses informations.
Proposition 7 : Développer la formation à l’esprit critique et l’EMI dans la société civile.
Mais comment atteindre tous les âges ? Mettre en avant les informations vérifiées et argumentées, irriguer les réseaux sociaux de la présence de nos médias de service public et des médias qui bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle (via la CPPAP – Commission paritaire des publications et agences de presse – pour la presse, ou l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – Arcom, qui affirme être très vigilante à sa mission d’éducation aux médias – pour l’audiovisuel) gage de professionnalisme, être présents pour les seniors dans les bibliothèques, notamment associatives, et les centres sociaux ? La sur-régulation présente aussi des risques, notamment celui de laisser penser que toute l’information est entièrement contrôlée par une autorité peu visible, ce qui va renforcer les thèses complotistes et se montrer finalement contre-productif. Il est bien préférable de préserver la liberté d’expression, afin que nul ne puisse émettre le moindre doute là- dessus, et former chacun à « l’auto-défense informationnelle ». L’éducation populaire a ici un rôle primordial à jouer.
La fédération des centres sociaux souligne également la dimension intergénérationnelle très présente au niveau des centres sociaux. Sont mis ensemble des seniors et des plus jeunes autour d’ateliers. Un suivi quantifié n’est pas effectué, on ne peut donc pas disposer de chiffres précis là-dessus, mais l’action existe. L’approche numérique est renforcée pour les seniors. Les actions numériques qui mettent en regard des jeunes et des seniors sont souvent au croisement de l’éducation critique et de la désinformation.
L’EMI ne doit pas être cantonnée dans le cadre éducatif et à la seule scolarité, mais faire l’objet d’un continuum à travers tous les aspects et tous les moments de la vie. A ce titre, il est peut être stigmatisant pour les adultes de convenir qu’ils ont encore besoin d’ « éducation ». Nous l’avons signalé en ouverture au chapitre 2 : la connotation du terme « éduquer » renvoie davantage au dressage des animaux domestiques qu’à rendre apte à lire, comprendre et utiliser en autonomie. Il en outre très coloré « école ». Ce terme peut donc exclure plus qu’il ne rassemble. Pourquoi ne pas s’aligner avec nos amis canadiens et adopter le MIL, Media et Info Littératie, lorsque le champ de l’EMI s’étend au-delà de l’école ? Le MIL pour tous est une cause à défendre. Au demeurant, il y a, selon Divina Frau-Meigs, une perception aux termes de laquelle l’EMI concerne les catégories sociales élevées, et seulement elles. L’une des grandes recommandations est donc de mettre fin à la disparité des mesures, notamment au sein des populations. Et si un changement de terme peut y contribuer, il ne faut pas s’en priver. Universcience, la cité des sciences, confirme : il faut étendre les ateliers existants aux seniors. En outre, il faut sortir du « one shot » où l’on coche la case en se disant « ça y est, j’ai fait mon atelier annuel, c’est bon ». Il faut que l’EMI soit maintenue le plus longtemps possible, voire favoriser des rappels constants tout au cours de la vie. L’Association des Professeurs Documentalistes de l’Enseignement Privé rappelle que : « des interventions du type « one shot » ne permettent pas de s’appuyer sur les principes de répétition, de mémorisation, et de réactivation, nécessaires à tout apprentissage sur le temps long ». Dans ce cadre, le recoures à toutes sortes d’acteurs est fondamental pour toucher toutes les populations.
Proposition 3 : Mettre fin à la disparité des mesures, notamment au sein des population
Grande cause nationale
L’éducation critique aux médias est un combat incessant. Il en va de la défense de notre démocratie et de nos libertés. Cela doit devenir une cause nationale. De nombreux interlocuteurs convergent sur cette idée fédératrice: syndicat national des radios libres, professeurs des universités, association Reporters sans Frontières… Ils ont tous émis cette préconisation, chacun à leur tour, sans se concerter. C’est également la recommandation R26 du rapport de la Commission Bronner.
Proposition 1 : Déclarer l’EMI grande cause nationale.
La ligue de l’enseignement résume bien, à elle seule, la problématique à résoudre : « Il y a un enjeu de politique publique pour développer en effet une approche élargie des formations afin d’atteindre un public plus large, surtout quand on parle de fracture numérique et de nécessité d’inclusion numérique. Il faut pouvoir toucher des publics d’autres âges et avoir une réflexion autour de la parentalité numérique en lien avec la protection de l’enfance. Les Caisses d’Allocations Familiales peuvent avoir un rôle central sur ces questions. La CAF va explorer un volant famille sur le net qu’il faut suivre de près. Et sur la parentalité numérique, sa position est de plus en plus importante sur tout ce qui est en jeu vis-à-vis des réseaux sociaux ».
Fêter les médias
Instaurer une grande fête nationale est un moyen de souligner durablement dans les esprits l’importance du sujet. Le 3 mai est d’ores et déjà la journée mondiale de la liberté de la presse. Pourquoi pas rebondir sur cette date pour instaurer un rendez-vous annuel qui serait un marqueur national ? Sur le modèle de la fête de la musique, chacun serait concerné d’une manière ou d’une autre par la fête des médias. Cette date serait l’occasion d’une campagne nationale grand public en prévention santé/dépendance sur les risques de la désinformation et de surconsommation d’informations. Elle permettrait aussi de valoriser et challenger les initiatives en EMI, de mettre en place des concours, de créer un Prix National remis ce jour-là. D’autres idées viendraient bien sûr s’agréger au fil du temps, avec l’aide et la contribution de tous les acteurs fortement impliqués.
Proposition 2 : Créer la fête des médias le 3 mai.
Dès le 3 mai 2023, la date pourrait coïncider avec la célébration des 40 ans du CLEMI.
Evaluer l’efficacité des dispositifs
Un travail régulier d’évaluation des dispositifs doit évidemment être engagé. Concernant l’efficacité des dispositifs et leur capacité à convaincre les jeunes, Dessinez Créez Liberté, association d’éducation aux médias, au dessin de presse et à la citoyenneté fondée par Charlie Hebdo et SOS Racisme confie : « On sait que cela fonctionne car on voit que les jeunes se posent plus de questions et appliquent les méthodes d’analyses qui leur sont transmises ». L’association Lumières sur l’info reconnaît pour sa part que la mesure de l’impact est un vrai sujet. Car suffit-il de « constater que cela fonctionne », et peut-on s’en contenter ?
Des analyses plus fines et de la connaissance scientifique capitalisée sont plus à même de garantir la pertinence des actions et leur efficacité, avant de les diffuser ou de les généraliser. D’où la nécessité de développer la recherche, comme on le verra au chapitre 5. Le rapport Bronner est également très clair sur ce point : « La formation à l’esprit critique doit impérativement se faire sur la base de contenus dont l’efficacité aura été scientifiquement évaluée. Il s’agit donc de mettre en place des procédures scientifiques et une structure de recherche permettant une telle évaluation ».
Proposition 18 : Instaurer des indicateurs permettant une évaluation fiable sur la durée.
Un perMIL ?
L’association de journalistes Lumières sur l’info imagine le principe d’une certification d’un socle de compétences MIL. « Les enfants devraient sortir de chaque cycle avec une sorte de permis de s’informer, sur le modèle du permis piéton ». Les enfants et aussi leurs aînés, comme on l’a vu plus haut. Reporters sans Frontières suit la même ligne, en avançant l’idée d’un « Passe Médias », qui attesterait d’une familiarisation à la pratique des médias. La question centrale est bien sûr le développement des capacités des individus, « l’encapacitation » comme on le dit parfois pour traduire le terme anglo-saxon d’empowerment.
be. my media est une entreprise à mission qui s’est fixée comme objectif de développer une pratique éclairée de l’information, en rendant l’information accessible, sûre et émancipatrice pour toutes et tous. En cherchant à adresser au plus grand nombre les enjeux d’une information vectrice d’esprit critique et de curiosité, ce sont près de 20 000 personnes, à travers la France, qui sont actuellement accompagnées par be. my media. Ils ont pu observer, dans leurs accompagnements quotidiens (auprès de classes de terminales ou d’étudiants du supérieur), une rupture d’égalité parfois profondément marquée, et donc une importante disparité de compétence en matière d’EMI, entre les élèves ayant fréquenté des établissements porteurs de projets d’EMI et des enseignants intéressés et formés sur ces questions, et les autres élèves bien plus démunis en compétences informationnelles et en littératie numérique. Pour remédier à cette rupture d’égalité et ainsi s’assurer que tous nos jeunes concitoyens sortent du lycée, dotés des outils nécessaires pour s’informer de manière responsable en faisant preuve d’un esprit critique et d’un minimum de curiosité, ils estiment que des temps d’EMI doivent être sacralisés dans les programmes de l’Éducation Nationale au niveau lycée. Comme cela est déjà le cas pour les lycées de l’enseignement agricole (où l’EMI est même une unité d’enseignement évaluée lors de la validation du BTS par exemple), ils pensent que l’EMI transmet des compétences beaucoup trop importantes pour ne pas s’assurer de leur égale transmission auprès de tous les élèves. A l’instar du Brevet Informatique et Internet (B2I) qui certifie la maîtrise de la compétence numérique pour tous les élèves, la mise en place d’une évaluation ou d’une certification propre à l’EMI au lycée permettrait également l’organisation systématique, dans tous les lycées et auprès de tous les élèves, de temps d’EMI.
Certains sont convaincus, d’autres non. C’est pourquoi nous ne plaçons pas cette piste en proposition, mais la laissons ouverte pour des discussions futures.
Un destin commun ?
Destin Commun se présente comme « un laboratoire d’idées et d’actions dont la mission est de lutter contre les phénomènes de fragmentation et de polarisation qui fragilisent la démocratie et la cohésion sociale ». Destin commun est une association de loi 1901, aconfessionnelle et non partisane. C’est la branche française du réseau international More in Common, implanté également en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Pologne.
Son approche consiste à analyser les lignes de fracture et de tensions qui traversent la société française et à identifier les opportunités de rassemblement, à travers une méthodologie fondée sur la psychologie sociale. Ainsi ce ne sont pas les caractéristiques sociodémographiques qui fondent leur segmentation de la population en familles, mais un certain nombre de valeurs hautement prédictives de leurs opinions.
Leurs études montrent sans conteste le sentiment d’un pays divisé, un effondrement de la perception de la solidarité, l’impression que les différences ne permettent plus d’avancer ensemble, la mise en place d’une équation où (incertitude + restriction des horizons + impuissance + complexité) conduisent à (défiance + complotisme + contestation), un attcehment à la démocratie fragile et qui intervient de plus en plus tard, une polarisation politique croissante, un cercle de confiance qui s’est restreint avec la pandémie.
Dans le rapport des divers segments de population avec l’information, une défiance généralisée envers les médias et la confusion, amplifiées par la guerre en Ukraine, règnent en maîtres. Trois mises en équation apparaissent là aussi.
- Excès, saturation ==> Risque : noyade ==> Réaction : rupture
- Négativité ==> Risque : dépression ==> Réaction : customisation du réel
- Manque de fiablilité ==> Risque : égarement ==> Réaction : défiance, complotisme
On le voit, le continuum de défiance envers l’information génère des effets délétères. Sur la base de ces études, Destin Commun préconise entre autres, pour amorcer un rétablissement de la situation :
– des campagnes de sensibilisation et de prévention : du type « les 5 fruits et légumes par jour » de l’éducation à l’image et aux écrans, à relayer conjointement par l’école et les parents – comme la règle du 3-6-9-12 pour les écrans de Serge Tisseron ;
– la mise en place d’applications de contrôle du temps sur les réseaux sociaux ;
– une prévention des addictions, par les médecins traitants, psychologues et pédiatres en termes de fatigue informationnelle, anxiété, dépression ;
– plus de transparence et de clarté pour lutter contre la confusions des rôles sur les plateaux de télévision (journalistes, éditorialistes, chroniqueurs, experts, invités…) ;
– inclure l’éducation à l’information et aux images dans un programme ambitieux d’éducation à la démocratie, avec une approche intégrée toutes matières.
En effet, renouer avec la transparence de l’information, la confiance réciproque et la démocratie est un préalable pour retrouver le chemin d’un destin commun qui ne bascule pas dans une variante de régime totalitaire.
36 Propositions EMI Sommaire – Lettre d’engagement de Violette Spillebout – Avant-propos de Sylvie Merviel – Introduction – Pourquoi ? – Quoi ? – Qui ? – Où et Quand ? – Comment ? – Combien ? – Conclusion – Synthèse des 36 propositions – Glossaire – La Mission Flash